Luc Van Der Kelen

Le point de non-retour

Luc Van Der Kelen Conseiller politique pour BPlus

SCINDER UNE FOIS BHV NE SUFFIT PAS DANS NOTRE PAYS. Il faut s’y mettre une fois pour la Chambre, une fois pour le Parlement européen et une fois pour la justice. « Driemaal is scheepsrecht » (Jamais deux sans trois), nous rappelle le dicton flamand.

Mais, quoi qu’il en soit, les négociateurs et Elio Di Rupo n’ont pas d’autre choix que de conclure un accord global. Serait-il imaginable un seul instant que Charles Michel doive revenir chez le président du FDF Olivier Maingain, et Wouter Beke, la queue entre les jambes, chez Bart De Wever : « Excuse-moi, Olivier. Pardon, Bart. Tout cela n’était pas sérieux. Redevenons de bons amis. » Bien sûr, c’est impossible, psychologiquement et politiquement, et tous les joueurs en sont bien conscients.

Voilà pourquoi Michel et Beke ont pu laisser traîner les discussions sur la scission de l’arrondissement judiciaire de BHV. En quittant la table, ils auraient obtenu sûrement un effet spectaculaire et ils auraient eu l’occasion de rouler les mécaniques et de montrer leur virile détermination face à leur arrière-ban, mais l’un comme l’autre savent qu’ils ne peuvent plus faire marche arrière, sous peine de se ridiculiser auprès des électeurs. Le point de non-retour est atteint. Et la victoire est à portée de main de celui qui reste tranquillement assis et n’élève pas la voix. Un jeu de poker très cool, en somme. Beke ou Michel. Ils rivalisent, ces deux-là.
La formation gouvernementale en cours est difficile sous tous les rapports. Rien n’est simple. Pourquoi ? Ce n’est pas que les politiques d’aujourd’hui sont moins conciliants qu’avant. Mais ils sont traqués par leurs concurrents, qui veulent les chasser de la scène. La raison fondamentale est que les Flamands et les francophones en sont arrivés à se considérer comme des adversaires, et pire que ça. Ce phénomène déteint inévitablement sur le comportement des politiques. L’image que les radicaux en Flandre présentent « des Wallons » et « des francophones » frôle le sentiment d’hostilité. Aux yeux des flamingants radicaux, les Wallons ou les francophones ne sont plus des partenaires, des collègues, mais, tout au plus, des compatriotes non désirés, ou des ennemis jurés qui s’en prennent à « leur argent ». De l’autre côté de la frontière linguistique, les tenants d’une dialectique analogue ne manquent pas non plus.
La vapeur devra être renversée. Sinon, notre pays est voué à la décomposition, inéluctablement. Si tel était le cas, l’incompréhension prédominera plus que jamais et influencera durablement les nouvelles générations politiciennes. Alors, dans dix ans, les négociations ne porteront plus sur la cohabitation pacifique, mais sur la scission de la Belgique. Mieux vaut s’en rendre compte dès aujourd’hui.

Luc Van der Kelen, éditorialiste au Laatste Nieuws

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