Olivier Mouton

Le parlement, théâtre de la démocratie

Olivier Mouton Journaliste

Le débat sur la réforme des pensions a fait l’objet d’une nuit dantesque en commission avant des auditions d’experts, pour la forme. Le vote majorité contre opposition devait toutefois intervenir mardi prochain. Tout ça pour rien?

Le parlement, temple de la démocratie, ressemble parfois à un vaste café du commerce. Où l’on parle pour le plaisir d’argumenter tout en sachant que l’on ne va pas convaincre l’autre, ni encore moins le faire changer d’avis. Cela donne parfois lieu à des situations ubuesques. Si vous avez aimé le débat à rallonge sur la relance du nucléaire, de ces dernières semaines – plus de septante heures de discussions, quand même! -, vous raffolerez sans doute de celui en cours et à venir concernant la réforme des pensions.

« Chat échaudé craint l’eau froide »: la majorité fédérale voulait précisément éviter à tout prix une redite du show nucléaire. En conférence des présidents, l’organe qui réunit les chefs de tous les groupes politiques représentés à la Chambre, ses représentants ont dans un premier temps bloqué net le débat de fond souhaité par l’opposition. Puis, en gage de bonne volonté, ils ont finalement consenti à accepter des auditions d’experts et des partenaires sociaux, en début de semaine prochaine. Un compromis arraché au forceps à l’issue d’une nuit dantesque. Certains se sont littéralement endormis sur les bancs, dont le ministre Daniel Bacquelaine lui-même, tandis que d’autres bâillaient aux corneilles en postant les images sur Twitter. De la gaudriole de haut vol pour arriver finalement à cet accord de raison: oui à des auditions, en début de semaine prochaine. Mais vite fait bien fait, avant de passer au vote mardi, au finish.

Tout ça pour ça? A première vue, ce baroud d’honneur semble bien vain face à un gouvernement sourd aux velléités de remettre en cause l’économie générale du plan défendu par le ministre des Pensions, Daniel Bacquelaine. Traduisez: l’âge légal de départ à la retraite sera bien relevé à 67 ans à l’horizon 2030, car c’est la seule façon de sauver le système. Point barre. Cela ne changera pas.

Le parlement, temple de la démocratie, ressemble parfois à un vaste café du commerce, où l’on parle pour le plaisir d’argumenter.

Ce café du commerce politique ne sert donc à rien, direz-vous… Pas forcément.

Tout d’abord, et même s’il a déjà eu lieu dans bien des cénacles, un tel changement de paradigme dans notre protection sociale mérite bien un débat de fond, acté dans les annales de l’institution.

Ensuite, l’opposition espère que ce débat créera des brèches dans la proposition majoritaire, pour ouvrir d’éventuelles voies de recours ou, de façon plus constructive, pour montrer qu’il existe des alternatives. Leitmotiv: ce n’est pas l’âge légal rehaussé à 67 ans qui compte, mais bien le taux d’emploi des 55-65 ans et la nécessité de retarder le départ réel à la pension, qui se situe aujourd’hui à 59 ans à peine.

Enfin, l’opposition francophone version XXXL (PS, CDH, Ecolo, FDF et PTB) veut marquer le rapport de forces politique dans l’opinion, surtout, tout en revalorisant l’image de marque du parlement en l’ouvrant sur le monde, en le rendant davantage connecté avec la société.

Autant de paris qui ne sont pas gagnés, tant dans l’opinion publique guère concernée par ce théâtre démocratique que dans la réalité cynique des faits: l’essentiel est déjà décidé par le gouvernement, le solde fera l’objet de concertations formelles au sein du Comité national des pensions qui verra le jour officiellement ce vendredi 26 juin.

Comme le dit le politologue Min Reuchamps, l’avantage de la majorité, c’est qu’elle dispose de la majorité. Pour utiliser une métaphore footballistique: et à la fin, c’est toujours le gouvernement qui gagne…

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