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« Le niveau des études d’infirmiers est assez bas en Belgique »

Muriel Lefevre

La vie des patients peut être mise en danger lorsque les infirmiers sont surchargés de travail. Par contre, lorsque ces derniers sont plus qualifiés le taux de mortalité baisse. Mais qu’en est-il en Belgique ? Trois questions à Paul Sonkes président de l’association belge des praticiens de l’art infirmier ACN .

Selon une étude conduite dans neuf pays, dont la Belgique, la mortalité des patients est en hausse lorsqu’il existe une forte différence dans le niveau d’études des infirmiers et que ceux-ci sont surchargés de travail. Trois questions à Paul Sonkes, président de l’association belge des praticiens de l’art infirmier ACN.

Tous les infirmiers qui travaillent en Belgique ont-ils le même niveau ?

Non puisqu’il existe deux filières en Belgique. La première est un bachelor de trois ans et la deuxième un enseignement secondaire complémentaire, soit un brevet basé sur une formation beaucoup plus pratique que théorique que l’on obtient aussi en trois ans et pour lequel le CESS n’est pas requis. Dans les hôpitaux, la proportion d’infirmiers issus de ces deux filières diffère entre le nord ou le sud du pays. Du côté francophone il y a plus d’infirmiers bachelor alors qu’au nord ce n’est pas forcément le cas. En Flandre, il y a entre 60 et 70% d’infirmiers qui n’ont que leur brevet alors qu’en Wallonie ils ne sont qu’entre 30 et 40%.

Le niveau des études d’infirmier est assez bas en Belgique si on le compare à d’autres pays comme la France, par exemple. On n’est même pas au niveau des normes européennes qui exigent un cursus de 4600 heures au total. Pour arriver à cela, on devrait allonger les études de trois à quatre ans. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, car cela permettrait de revoir tout le système d’étude et rendrait le métier plus attractif. En Suisse, où c’est déjà le cas, on a constaté un nouvel engouement pour la branche suite à un allongement du cursus.

Combien y a-t-il d’infirmiers en Belgique ?

Il y a 170.000 praticiens de l’art infirmier en Belgique. Il en sort chaque année près de 10.000 toutes formations confondues. On « produit » donc assez de praticiens, mais ils ne se retrouvent pas forcément sur le marché du travail. Ils vont continuer leur étude avec un master ou se diriger vers le commercial ou encore l’enseignement. Dans les années 1999-2000, on était face à une véritable pénurie d’infirmiers. Les hôpitaux ont comblé ce manque en faisant appel à des firmes qui ont recruté du personnel à l’étranger comme en Roumanie, au Liban, en Tunisie au Portugal et en Espagne. Cela ne pose pas de questions de sécurité puisque tous ces pays ont des niveaux d’éducation équivalents, voire meilleurs, qu’en Belgique.

Les infirmiers sont-ils surchargés de travail ?

Dans les hôpitaux il y a généralement un infirmier pour dix patients et une unité de soin comporte 30 patients. Sauf que les normes d’encadrement n’ont plus été revues depuis des dizaines d’années et que le malade que l’on retrouve dans un lit d’hôpital n’est plus le même qu’il y a 20 ou 30 ans. Avec l’augmentation des hospitalisations courtes et des soins à domiciles, les patients qui restent à l’hôpital sont souvent des gens âgés, dépendants ou souffrants de plusieurs pathologies. Tout cela fait que la charge de travail par patient s’est alourdie au fil des ans sans pour autant être intégrée dans les normes.

Si la moyenne est de 22 minutes de soins directs par patient et par 24h, le personnel n’est pas inactif pour autant le reste du temps puisqu’il existe beaucoup de tâches indirectes et que la charge administrative a elle aussi augmenté. Quatre fois tous les 15 jours, les infirmiers doivent rentrer une Dossier infirmier résumé hospitalier minimum (soit un DI RHM) qui récolte les données de tout ce qui a été fait et qui est ensuite envoyé au SPF. Le financement de la section dépend partiellement de ses rapports, mais c’est un travail chronophage puisque de nombreux hôpitaux n’ont pas encore de dossiers informatisés.

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