Nicolas De Decker

Le MR, une certaine idée de l’autorité

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

C’était six mois après les élections de mai 2014. C’était le moment où, enfin, l’autorité allait retrouver une place dans ce pays de lopettes. On était le 19 octobre 2014 et un nouveau gouvernement s’était tout juste installé pour la restaurer.

A la télévision, ce dimanche-là, il était autour de midi, et un chef de groupe MR à la Chambre s’exprimait. C’était un des plus vigoureux promoteurs de la fin du laxisme d’une certaine gauche, un des plus musclés pourfendeurs de la morale latitudinaire d’une certaine gauche, un des plus rigoureux contempteurs de l’angélisme victimaire d’une certaine gauche, un des plus cortiqués dénonciateurs des accommodements d’une certaine gauche, et ça tombe bien, parce qu’il était chef de groupe dans une majorité qui était là pour dire que toute cette certaine gauche, là, ça suffit. C’était Denis Ducarme, il est de droite et, avec lui, il ne faut pas rigoler, parce que sinon il vous regarde avec ses gros yeux et après il vous déchiquette avec sa grosse voix.

Et il était donc temps, en effet.

D’ailleurs, dans son gouvernement tout juste installé, on a dit que c’était assez avec ces chômeurs qui ne se remuent pas assez : on allait accélérer la dégressivité de leurs allocations.

Et on a dit que c’était assez avec ces musulmans qui dansent trop après des attentats : on allait leur contrôler toutes leurs mosquées.

Et on a dit que c’était assez avec ces malades qui ne travaillent pas assez : on allait les soigner et pas qu’un peu, tiens.

Et on a dit que c’était assez avec ces magistrats et ces institutions et ces associations et ces organismes qui critiquent trop : on allait leur faire faire des économies bien antalgiques.

C’en était assez de ces gens qui ne respectent pas l’autorité, surtout celle du Premier ministre.

En bref, c’en était assez de ces gens qui ne respectent pas l’autorité, surtout celle du gouvernement de la Belgique, et surtout celle du Premier ministre du gouvernement de la Belgique.

Alors, le 19 octobre 2014, Denis Ducarme avait établi l’autorité une bonne fois pour toutes, jusqu’au coeur même du gouvernement qu’il défendait.  » Theo Francken n’a plus le droit à l’erreur, au moindre propos de ce genre « , qu’il avait dit ce dimanche midi sur RTL-TVI.  » On ne va quand même pas s’excuser tous les quinze jours « , qu’il avait ajouté sur la RTBF.

Et c’est vrai qu’il avait bien posé ses conditions, là, le chef de groupe MR à la Chambre, parce que Theo Francken n’a pas dû s’excuser souvent en quatre ans, et son parti non plus. Ni quand celui-là a qualifié de  » ridicule  » une déclaration du Premier ministre, ni quand le président de celui-ci a dit que c’était la faute des parents d’une petite fille morte que le Premier ministre consolait si la petite fille était morte ; ni quand celui-là a trouvé qu’il faudrait donner l’asile politique à un Catalan dont le Premier ministre ne voulait pas, ni quand le président de celui-ci a répété que le gouvernement de ce Premier ministre n’était pas fort énergique.

Alors, sans doute parce qu’il savait très bien avec ses gros yeux et sa grosse voix faire respecter l’autorité en général et celle de son Premier ministre en particulier, le chef de groupe MR à la Chambre a été nommé ministre. Et c’est un autre chef de groupe MR à la Chambre qui veille au respect de l’autorité dans ce pays de mollassons.

C’est David Clarinval, il n’a pas de gros yeux ni de grosse voix, mais il dit que Francken n’a plus le droit à l’erreur et que c’en est assez, là.

C’est six mois avant les élections de mai 2019.

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