Renaud Duquesne

Le mouvement « En Marche » de Macron peut-il faire des émules en Belgique ?

Renaud Duquesne Avocat à Marche-en-Famenne

Beaucoup d’entre nous se posent la question de savoir si le phénomène Macron, avec son mouvement « En Marche », lequel a provoqué une recomposition inédite du paysage politique français peut trouver un écho sur le territoire Belge.

Il se dit dans les milieux bien informés que d’aucuns en parlent à voix très basse dans de secrètes alcôves. Le but rapporté par ces combattants de la pensée unique étant de trouver un dénominateur commun entre ces personnes provenant de milieux différents et épars. En soi, un idéal à partager et à construire. Mais l’exercice est délicat, et ce pour plusieurs raisons.

1. La Belgique n’est pas la France. La personnalisation du pouvoir y est grande.

En France, il existe une tradition de l’homme providentiel de style napoléonien ou gaulliste. Le système électoral français s’y prête par la dissociation existante entre l’élection présidentielle et les élections législatives. La légitimation présidentielle focalise l’attention sur une personne qui se voit en quelque sorte désignée comme un guide ou comme une providence.

En Belgique, notre président à nous, c’est le roi. Il n’est pas élu et n’a guère de pouvoir, si ce n’est symbolique. Le Premier ministre, qui exerce le pouvoir, n’est pas choisi par l’électeur, mais bien par les partis qui gouvernent, après souvent de très longues négociations.

Est-il dès lors possible qu’un homme ou une femme en Belgique suscite un tel engouement ? A priori, oui. Mais pour être crédible, cette personne devrait être vierge d’une action politique marquée ou à tout le moins avoir une personnalité qui transcende les clivages et la particratie.

Les électeurs veulent de la nouveauté. Ils fuient la récupération politique. Ils ont perdu, à tort ou à raison, confiance dans le personnel politique actuel. Et le climat du moment ne fait qu’accentuer ce désamour. Celui-ci est durable et ne sera pas qu’une passade.

Trop souvent, l’exercice de mandats politiques devient un métier à durée indéterminée. La carrière politique est une fin en soi. Et parfois, la tentation est grande alors de tout faire pour garder son influence, ou pire encore, à l’occasion de perdre le sens des réalités. Le mandat politique se privatise et il est devenu un bâton de maréchal qui se transmet épisodiquement quand on l’a décidé et selon des modalités à convenir.

La société civile doit se réinvestir dans la gouvernance de la cité. Être un politique ne justifie pas une formation particulière, mais bien une expérience de vie et professionnelle. Finalement, le projet doit être porté par une personne emphatique, qui a une indépendance professionnelle, des idées, des valeurs et une éthique.

Et surtout, elle doit être animée par le souci de gouverner pour tous, ou autrement dit dans l’intérêt commun partagé. Elle devra fédérer et innover.

Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. Des hommes et des femmes neufs venant de tous horizons et d’obédiences différentes devront l’accompagner dans cet exercice. Ce sera le difficile exercice de la combinaison de la nouveauté et de notre histoire politique. Point question de fédérer des déçus ou de recycler les ancêtres d’une politique d’un autre temps.

Mais non plus de rejeter par principe ceux qui exercent actuellement des responsabilités politiques.

2. Notre système électoral peut être un frein, ou pas, à ce renouveau.

En France, le scrutin est majoritaire, alors qu’en Belgique il est proportionnel. Concrètement, en France, celui qui gagne une circonscription gagne le siège et élimine ses concurrents sans que l’on puisse tenir compte des voix qu’ils ont obtenues.

En Belgique, le scrutin induit une représentation proportionnelle des scores obtenus par les uns et les autres. Dès lors, la représentation politique de toutes les tendances est beaucoup plus grande qu’en France.

Cela a souvent comme conséquence que le président français élu bénéficie par un effet d’aspiration de son élection lors des élections législatives d’une majorité imposante qui lui permet de gouverner les mains libres.

Chez nous, notre système électoral induit des gouvernements de coalition qui rendent l’exercice de l’action gouvernementale plus ardu au regard des exigences des uns et des autres de la majorité.

Il est donc beaucoup plus difficile d’imaginer l’apparition d’un mouvement « En Marche « chez nous, vu cette diversité qui peut nuire à la cohérence d’un programme clair et lisible pour tous.

Cet écueil pourrait être éventuellement contourné si la ligne de fracture gauche – centre et droite qui domine depuis des décennies notre pays était battue en brèche. Elle n’a plus guère de raison d’être de nos jours. Les combats menés par les uns et les autres à l’aulne des idéaux de chacun tant de droite, de gauche que du centre ont eu toute leur acuité, mais ne trouvent plus écho de nos jours.

Le monde change. Il se mondialise. Il est aussi en recherche de proximité et d’identité. Il est de plus en plus gouverné par des valeurs qui doivent gouverner sans âme le matérialisme ambiant. On ne peut dissocier le travail de son sens et de sa finalité.

L’économie est-elle un grand marché ou tout est permis ou doit-elle être régulée par des gardes fous ? L’écologie doit-elle être réduite à un dogme qui doit nous pousser à vivre comme dans des réserves d’Indiens à l’âge de la pierre ou plutôt être considérée comme étant le soutien nécessaire d’un développement économique durable ? L’éthique doit-elle être rigoriste et collectiviste ou l’apanage individuel de chacun d’entre nous par l’intime conviction ? Les valeurs sont-elles monnayables ou des refuges faites de sens et de vivre ensemble ? La conviction philosophique et religieuse ou pas est-elle un acte d’imposition qui doit gouverner tout le monde ou doit-elle être l’exercice d’un acte intime qui ne concerne que notre sphère privée ?

Il s’agit là de questions éminemment importantes. Elles s’inscrivent avec la plus grande difficulté dans notre modèle politique actuelle. Il est de plus en plus évident que la ligne de répartition se situe dorénavant entre les conservateurs et les progressistes. Entre ceux, qui ont une conception figée de la société et ceux qui croient que rien n’est acquis et que tout est sujet à discussion.

Il faut donc fédérer tous ceux qui dans la société et les partis traditionnels ont une vision progressiste de la société. Il ne peut être question de fusion et de cartel entre les partis. Le mouvement ne peut être hétéroclite et sans cohérence. Il ne s’agit en aucun cas de faire du neuf avec du vieux. Il faut créer un mouvement qui est le relais des aspirations des citoyens, qui peuvent y trouver leur place et avoir leur mot à dire.

L’axe de réflexion et de conviction est de toute évidence le libéralisme social. L’acte économique doit avoir un sens et être respectueux de tous. Voilà le prix à payer pour révolutionner notre pays.

Les politiques sont vus comme des empêcheurs de tourner en rond, voire des obstacles à la réforme et à la nouveauté

3. Les partis, porteurs ancestraux de nos idées passées, sont, et on doit le regretter, vus comme sclérosés, partisans et peu démocratiques dans leur fonctionnement.

Leur identité idéologique est dépassée et peu en phase avec l’évolution du monde. Finalement , on continue à faire de la politique comme on a toujours fait. En une phrase « après la Belgique de Papa, la politique de Maman ». Le pouvoir s’exerce du haut vers le bas. Une sorte de centralisation poussée à l’extrême qui fait que nos dirigeants sont coupés des réalités extérieures et gouvernent dans l’immédiateté, sans perspective. Pour défendre soit un pré carré soit une part de marché politique. On ne s’intéresse qu’à la queue des problèmes sans avoir en tête les principes en jeu et qui doivent gouverner toutes réflexions.

Les politiques sont vus comme des empêcheurs de tourner en rond. Plus grave, comme des obstacles à la réforme et à la nouveauté.

Le climat des affaires ne fait qu’accentuer ce fossé béant entre le monde politique et les citoyens.

Avoir des idées doit de nos jours rémunérer a priori celui qui les porte, alors que les idées doivent par essence exister par elles-mêmes et être portées par des convictions et une envie de penser à demain.

On met la charrue avant les boeufs.

Faire de la politique, ce n’est pas s’assurer un avenir, mais bien construire un avenir collectif fait d’anticipation et de perspective pour demain. En un mot, la politique est l’affaire de tous. Le mouvement doit être citoyen et participatif.

4. Est-ce un rêve, un voeu pieux ? L’avenir nous le dira. Mais il faut rêver et réaliser si possible ses rêves.

Comment ? En les exprimant, en se faisant entendre et en fédérant. Et qui sait… C’est la multitude qui fait changer les choses.

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