Le moment de la vérité approche pour l’Europe et Erdogan

« Le point culminant de la crise est passé », a déclaré le Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA). En mars, notre pays a enregistré l’afflux le plus bas de demandeurs d’asile en sept ans. « L’accord avec la Turquie fait une différence ».

Le 18 mars, l’Union européenne et la Turquie ont conclu un accord qui doit permettre à l’UE de mettre fin à la migration illégale. Les migrants qui arrivent dans les îles grecques sont renvoyés vers la Turquie. En échange, les pays de l’UE accueillent autant de réfugiés syriens de camps turcs que de personnes rapatriées. L’Europe espère ainsi déstabiliser le « business model » des trafiquants d’humains.

La Turquie a négocié durement avec l’UE. Pour l’Europe, l’argent était le moindre problème : la Turquie a demandé et reçu deux fois plus que les 3 milliards d’euros déjà accordés pour l’accueil de réfugiés. En revanche, la relance des négociations d’entrée de La Turquie dans l’UE et surtout l’exigence de laisser les citoyens turcs voyager sans visa vers l’UE à partir du mois de juin sont plus problématiques. Pour obtenir cette demande, la Turquie doit remplir 72 conditions. Certaines sont plutôt techniques, telles que l’édition d’un passeport biométrique, d’autres sont liées au respect des droits de l’homme et c’est là que le bât blesse.

La Turquie est dirigée par le président Recep Tayyip Erdogan, dont la soif de pouvoir et le caractère autoritaire se dessinent de plus en plus. Comme l’explique l’expert Armand Sag, il est devenu « un sultan moderne qui ne se laisse pas marcher sur les pieds ». Il n’hésite pas à s’en prendre à tous ceux qui le critiquent. Depuis qu’Erdogan a accédé à la présidence il y a deux ans, il y a eu au moins deux mille plaintes pour calomnie, diffamation et insulte à l’adresse du président.

Erdogan est non seulement susceptible, il a aussi le bras long. La semaine dernière, son administration a demandé au consulat turc de Rotterdam de lui signaler les noms de tous ceux qui tiennent des propos « diffamatoires » ou « insultants ». Le week-end dernier, une journaliste néerlandaise d’origine turque a été arrêtée en Turquie. Ce sont là deux exemples récents d’une liste d’incidents qui illustrent à quel point Erdogan se sent tout-puissant.

Les leaders européens aiment se faire bien voir par Erdogan. Pour eux, la Turquie détient la clé de la solution du problème de réfugiés. Par conséquent, on n’a pas regardé de près la façon dont la Turquie applique les valeurs européennes telles que la liberté de la presse et les droits de l’homme. Les leaders européens se sont inclinés profondément devant le président turc. Et l’Europe se prononce à peine sur l’attitude douteuse de la Turquie par rapport à l’état islamique ou sur la lutte sanglante de l’armée turque contre le PKK kurde dans le sud-est de la Turquie.

Le moment de la vérite approche pour l’Europe et Erdogan

Entre-temps, le moment de la vérité approche, tant pour l’Europe que pour Erdogan: la Turquie remplit-elle les conditions pour que ses ressortissants entrent dans l’UE sans visa à partir de juin ? Beaucoup de leaders d’Europe (occidentale) frémissent à cette pensée. « Il n’est pas impensable qu’un grand nombre de Kurdes turcs demandent asile ici », a déclaré Francken. Il craint une nouvelle crise d’asile. C’est également l’une des raisons pour lesquelles des pays, dont la Belgique, ont déjà fait savoir qu’ils ne se montreront pas souples quand on évaluera le mois prochain si la Turquie remplit les 72 conditions imposées.

La Turquie estime que cette attitude est injuste et même « humiliante ». Elle menace de renoncer à l’accord du 18 mars sur l’accueil des réfugiés. Cela signifierait que le flux de réfugiés venu de Syrie reprendrait, ce que ne souhaite aucun leader européen.

La crise de l’asile reste l’un des problèmes majeurs de l’Europe, même si Francken a déclaré que le point culminant était passé. Si l’Europe ne réussit pas à maîtriser correctement le flux de réfugiés, le scénario qui s’est déroulé le week-end dernier en Autriche risque de se répéter dans de nombreux pays : le FPÖ, le parti d’extrême droite autrichien, a remporté le premier tour de l’élection présidentielle et les partis traditionnels ont été rayés de la carte. C’est le prix que paie l’Europe pour ses atermoiements et l’absence d’une politique de réfugiés.

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