Le mauvais départ des politiques pour construire le monde d’après

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Former cet été un gouvernement fédéral majoritaire en tirant les leçons de la crise du coronavirus ? Ou envisager des élections à la rentrée ? Faites vos jeux. Mais à vrai dire, c’est très mal parti…

Vous vous rappelez ? C’était le monde d’avant le confinement, quand la simple idée d’une pandémie nous forçant à rester chez nous semblait irréelle, digne d’un roman de science-fiction. La politique ronronnait d’une crise à l’autre, impuissante. N-VA et PS tournaient en rond, incapables de s’entendre, bloquant le pays de façon durable. Au milieu, le CD&V imposait de facto les nationalistes à la table, en s’accrochant à la nécessité d’obtenir une majorité dans le groupe linguistique néerlandophone. Les libéraux, eux, géraient le pays tant bien que mal, à la tête d’un gouvernement minoritaire en affaires courantes. Un tsunami est passé par là. Une majorité de circonstance a soutenudu bout des lèvres Wilmès II. Mais vite, très vite, nous voilà revenus à la case départ

La crise sanitaire est pourtant passée par là, secouant bien des recettes qui semblaient acquises à jamais sur la gestion de notre société. Avec le déconfinement progressif, dont un début timide a lieu ce 4 mai, c’est toutefois le grand retour des petites manoeuvres politiques, sous les yeux ébahis d’une population encore traumatisée par ce qu’elle vit. Mais les ‘petits jeux’ indécents ont désormais pris une connotation plus grave, parce qu’il s’agit de « construire le monde d’après », en tirant les leçons de la crise. Quitte à redonner la parole au peuple.

Les premières images du monde d’après version politique ne sont évidemment guère avenantes. La N-VA a repris son bâton de pèlerin pour tenter de convaincre le PS tout en l’accusant au passage de crime de lèse-Flandre. En revendiquant une réforme en profondeur de l’Etat – c’est le refrain connu du confédéralisme. Pas fou, le PS se replie sous sa tente en appelant à la nécessité de construire un monde d’après fort différent de celui d’avant, c’est-à-dire rompant avec le dogme néolibéral de la défunte suédoise libérale – N-VA. Pour cela, il ne serait pas illogique que les partis présentent leur projet pour demain aux électeurs, dit son président Paul Magnette. En septembre, même si les conditions sanitaires pourraient ne pas le permettre. « Si on veut un gouvernement fort, il faudra passer par des élections », abondait la ministre francophone Bénédicte Linard (Ecolo), ce lundi matin sur LN24.

https://twitter.com/grosfilley/status/1257208879517138944Fabrice Grosfilleyhttps://twitter.com/grosfilley

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Les deux chemins possibles sont bien balisés : soit une négociation revivifiée pour donner un successeur plus solide à Wilmès II, soit une crise politique menant aux urnes en espérant que les Belges redistribuent les cartes de façon plus lisible. Mais ils sont tous deux parsemés d’embûches. Le climat est à l’orage, parsemé de règlement de comptes entre partis ou de débats inaudibles. Ce week-end encore, sur RTL-TVI, des échanges stériles et des accusations virulentes sur la gestion de la crise ont été ponctués par un président de parti, Georges-Louis Bouchez (MR), déclarant : « Ce n’est pas la politique qui n’intéresse plus mais c’est la manière dont on la fait qui est désespérante ». Suscitant les sarcasmes de ses détracteurs affirmant qu’il n’est pas le dernier à jouer aux petits jeux politiques. En cas de scrutin anticipé, sur fond d’un nouvel échec de formation gouvernementale, les extrémistes risquent encore d’avoir le vent dans les voiles.

Est-il trop tard pour changer d’état d’esprit ? Cette crise sanitaire, en balayant les certitudes, a en effet redessiné les priorités politiques. Qui aurait imaginé, il y a quelques mois, une telle adhésion sur la nécessité de relocaliser des activités économiques en Belgique ? Qui aurait pensé qu’un tel consensus existerait sur l’importance de revaloriser les métiers sociaux ? Qui aurait parié sur une telle page blanche pour réinventer la Belgique et le monde ? Certaines déclarations de bonnes intentions sont au rendez-vous. Le MR tend la main pour construire un « pacte pour une société nouvelle ». Ce week-end, CD&V, Ecolo ou PS se disaient prêts à discuter en profondeur pour évoquer un « projet » pour le monde d’après – au-delà de toute spéculation relative à la future majorité. Très franchement, on aurait envie de croire à une réflexion en profondeur sur ce monde d’après, à une autre façon de faire de la politique. Mais dans leurs attitudes, les élus ne donnent toutefois pas encore l’impression d’avoir tiré toutes les leçons de ce tsunami qui nous a emportés.

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