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Le juteux business des chasseurs de subsides

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Ils ont bâti leur business sur le dédale des aides publiques. En Wallonie comme à Bruxelles, les chasseurs de primes séduisent des milliers d’entreprises lassées par les démarches administratives. Les Régions, elles, entendent mettre fin aux abus des vampires du secteur.

En Wallonie comme à Bruxelles, la galaxie des subsides s’avère éminemment complexe. Dans son guide pratique réalisé à l’attention des PME wallonnes et bruxelloises (*), Michaël Malherbe identifie quelque 800 aides délivrées par plus de 300 autorités distinctes. Après avoir investi à temps plein le monde des « chasseurs de primes » de 2002 à 2005, via sa société Eurogema, ce dernier s’est reconverti dans l’accompagnement de projets. « La plupart du temps, le montage de dossiers de subsides n’avait rien de créatif, estime-t-il. J’effectuais des démarches pour le compte de clients sans jamais prendre part à leurs projets. » Depuis lors, l’entrepreneur liégeois privilégie donc l’accès à l’information, vu les lacunes persistantes des aides publiques en termes de lisibilité.

Le succès des sociétés spécialisées dans la chasse aux subsides constitue le reflet de cette complexité. Si de nombreux cabinets d’expertise comptable ou de consultance proposent ce type de service, seule une poignée d’acteurs en ont fait leur activité principale en Wallonie ou à Bruxelles. La plupart des intermédiaires identifiés par leurs pairs comme étant crédibles procèdent dans un premier temps à un diagnostic (« screening »), généralement gratuit, des activités de l’entreprise. Cette étape leur permet d’identifier les subsides potentiels auxquels le client pourrait avoir droit. Celui-ci peut ensuite confier au chasseur de primes l’élaboration et le suivi des différents dossiers à soumettre aux autorités compétentes.

Dans un secteur où la réputation se construit sur le bouche-à-oreille, le principe du « no cure no pay » constitue la norme : la grande majorité des chasseurs de primes se rémunèrent uniquement à la réussite et lorsque les subsides sont effectivement versés à la société cliente. « C’est un gage de crédibilité », souligne un expert en financement. En contrepartie, ils se réservent le droit de refuser les projets qui ne leur semblent pas suffisamment solides. « Ce qui devrait être du bon sens ne l’est pas, regrette une indépendante spécialisée dans l’aide administrative pour les TPE en difficulté. Au final, ce système profite aux entreprises qui n’ont pas réellement besoin de subsides. » Les acteurs concernés défendent quant à eux la rationalité économique liée aux nécessaires garanties et aux retombées collectives des aides publiques.

Deux types d’acteurs composent le monde très fermé des chasseurs de primes. Il y a d’abord les experts historiques, affichant une longue expérience dans les solutions de financement au bénéfice des entrepreneurs. La deuxième catégorie rassemble les sociétés généralistes, dont la renommée se construit entre autres via une polyvalence et une visibilité accrue. En Wallonie, GS Subsides dispose de la plus importante force de frappe collective avec une dizaine d’employés et un chiffre d’affaires annuel de 1,5 million d’euros. En région bruxelloise, la société gantoise Deucalion se distingue notamment par des campagnes de mailing intensives, tandis que Chasseurdeprimes.be dispose d’un portefeuille d’environ mille clients.

(*) Aides et subsides aux PME wallonnes et bruxelloises. Guide Pratique 2014, Indicator, 138 p.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– Les confidences des différents acteurs

– Les experts et les cowboys

– La riposte des Régions

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