© Reuters

Le jour où le roi a décidé d’abdiquer

Arnaud Ruyssen
Arnaud Ruyssen Journaliste à la RTBF

C’est l’histoire d’un secret bien gardé. Lorsque, le 3 juillet 2013, le roi annonce officiellement aux Belges son intention d’abdiquer, c’est une partition minutieusement préparée en coulisse qui se joue. L’épilogue d’un scénario construit patiemment, entre Albert II et le Premier ministre de l’époque, Elio Di Rupo. Le futur roi Philippe, lui, n’a que peu eu voix au chapitre.

A l’autopsie, il s’avère que c’est le 15 avril 2013 que le souverain s’est ouvert de ses intentions auprès du Premier ministre. Après pratiquement 20 ans de règne dont les dernières années ont été compliquées par la plus longue crise politique de l’histoire du pays, Albert II souhaite passer la main à son fils. Il veut abdiquer le 21 juillet et l’annoncer rapidement à la population.

Elio Di Rupo n’est pas vraiment surpris. Il sait que le roi est fatigué et affecté par des soucis de santé à répétition. Pourtant, il ne souscrit pas au scénario proposé par Albert II. « Ma réaction a été de dire non ! Je ne voulais pas d’une séquence qui laisse plusieurs mois de battement. Je craignais que la N-VA n’en profite pour déstabiliser le pays. » Ce n’est donc pas l’abdication elle-même qui pose problème, mais le timing. Le roi se range à cet argument et l’annonce publique est reportée à plus tard.

De son côté, le prince héritier Philippe sait que son père veut abdiquer. Mais c’est à peu près tout ce qu’il sait. Alors que chaque lundi, le roi et Elio Di Rupo se voient et dessinent les contours de cette passation de pouvoir, le futur roi est tenu à l’écart. En juin, lorsqu’il part en mission économique, il ignore toujours les modalités précises du scénario qui se dessine. Finalement, c’est le Premier ministre lui-même qui prendra contact avec Philippe pour lui préciser le calendrier retenu. L’épisode en dit long sur le fossé béant entre la Maison d’Albert et celle de Philippe.

Au matin du 3 juillet, place à la partie officielle et publique. La chancellerie du Premier ministre reçoit une lettre avec en-tête du Belvédère, résidence du roi. Albert II y annonce très officiellement au chef du gouvernement ses intentions et la fin de la lettre précise : « J’aimerais pouvoir en informer les membres du Conseil des ministres restreint directement et en personne. » Elio Di Rupo, seul dans la confidence, avait opportunément convoqué un kern ce matin-là. Il avertit, par sms, les vice-Premiers que la réunion se tiendra exceptionnellement au palais royal. « Nous sommes entrés dans le bureau du roi », se souvient Joëlle Milquet. « On était tous en rond autour de lui. Il avait des larmes dans les yeux et il nous a expliqué que ça devenait trop difficile pour lui et qu’il souhaitait passer le flambeau. »

Le secret, si bien gardé jusque-là, ne va plus tarder à être éventé. Vers 16 heures, Albert II enregistre son discours en costume et cravate bleue, debout devant la table de son bureau. « Avec de l’émotion mais aussi du soulagement, j’ai l’impression », raconte Jean-Pierre Jacqmin (RTBF) qui était sur place. Une fois les caméras éteintes, le roi se tourne vers la reine et lui demande « Ça a été ? » Paola le rassure d’un regard. La pression retombe. Le discours sera diffusé à 18 heures, 18 jours avant une passation de témoin redoutée mais qui se déroulera finalement, sans couac. ˜

Tous les samedis de l’été, à 12 heures sur la Première, dans l’émission Autopsie, Arnaud Ruyssen raconte les coulisses d’un événement de l’histoire récente. Ce samedi 20 août, le jour où le roi Albert II a décidé d’abdiquer. www.rtbf.be/autopsie

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire