Gwendolyn Rutten (Open VLD) et Charles Michel (MR) © Morgan Milan

Le grand retour des familles politiques

Tex Van berlaer
Tex Van berlaer Collaborateur Knack.be

Les familles politiques sont de retour, même si elles ne sont jamais tout à fait parties. Presque tous les partis flamands s’efforcent de renforcer leurs liens avec leurs homologues francophones. « Ce n’est plus un hasard », déclare le politologue Carl Devos (Université de Gand).

Il y a déjà quelque temps que Groen regarde ce qui se passe au sud du pays. À la Chambre, le parti siège dans un groupe mixte avec Ecolo, et dans la circonscription de Bruxelles, les écologistes francophones et néerlandophones sont étroitement imbriqués. La semaine dernière, on a appris que les partis proposaient des « candidats Erasmus ». Ainsi, un conseiller communal Groen de Renaix figurera sur la liste de la Chambre du Hainaut d’Ecolo. Et vice versa, des candidats Ecolo se présenteront en Flandre.

En outre, les Verts expriment expressément leur souhait de devenir la plus grande famille politique du pays. Selon un sondage du mois dernier, ce rêve est à portée de main.

Cependant, Groen n’est pas le seul parti à tendre la main au-delà de la frontière linguistique. La semaine dernière, le président du CD&V, Wouter Beke, a pris sa plume pour plaider en faveur de la destitution du Premier ministre hongrois Viktor Orban du Parti populaire européen. Beke ne l’a pas fait seul, cependant. Maxime Prévot, le tout nouveau président du cdH, cosigne la lettre.

L’appel conjoint d’envoyer promener le Hongrois controversé est la cerise provisoire sur le gâteau des liens renouvelés entre le CD&V et le cdH. On sait que les chrétiens-démocrates flamands attendent beaucoup de Prévot. Ce dernier doit faire oublier le parcours cahoteux de Benoît Lutgen. Pour cette raison, Beke et Prévot ont accordé plusieurs entretiens croisés. De plus, ils laissent entendre à tout bout de champ qu’ils sont prêts à renforcer les relations entre les deux partis.

On en oublierait presque qu’au fédéral le CDH siège toujours dans l’opposition et qu’il est censé lutter contre la politique gouvernementale du CD&V. Mais à quelques mois des élections, tout le monde est en mode campagne. Les chrétiens-démocrates espèrent probablement reprendre leur ancien rôle d’hommes d’État dans le prochain gouvernement. Ils tentent de former un bloc orange aussi grand que possible pour préserver les chances de participation du gouvernement fédéral et de décrocher les clés du 16 la rue de la Loi.

Meyrem Almaci (Groen) et Jean-Marc Nollet (Ecolo)
Meyrem Almaci (Groen) et Jean-Marc Nollet (Ecolo)© Belga

Un coude à coude

Néanmoins, les chrétiens-démocrates devront peser de tout leur poids pour se disputer le titre de « plus grande famille « . En revanche, la course risque d’être passionnante pour les bleus et les rouges.

Gwendolyn Rutten, présidente de l’Open VLD, veut, avec le MR, devenir le plus grand parti. Si Charles Michel (MR) veut conserver son poste de Premier ministre, il espère aussi cette suprématie bleue. À cet égard, le récent désaccord entre MR et Open VLD sur l’approbation de l’accord salarial entre les partenaires sociaux est d’autant plus frappant.

Et bien sûr, la famille socialiste reste une formation redoutable. Traditionnellement, le sp.a a toujours été en mesure de rivaliser avec les pourcentages très élevés du PS en Wallonie. C’est moins perceptible parce qu’ils sont dans l’opposition, mais avec 36 sièges sur 150, ils forment toujours la plus grande famille politique.

Pourtant, le contexte actuel est tout sauf brillant pour les socialistes. De part et d’autre de la frontière linguistique, les partis frères sont perdants. Il y a de fortes chances que le PS demeure le plus grand du côté francophone. Mais, même avec l’ajout des troupes de John Crombez, la suprématie du PS en Wallonie ne suffira pas aux socialistes pour rester la plus grande famille de la Chambre.

Un coude à coude se dessine, lentement mais sûrement, entre les verts, les rouges, et les bleus. Mais ce n’est pas tout. Pour rendre la situation encore plus complexe, il y a aussi la N-VA. En toute logique, les nationalistes flamands n’ont pas d’homologue en Belgique francophone. Malgré ce désavantage relatif par rapport aux autres partis, l’équipe du candidat Premier ministre Jan Jambon (N-VA) a bel et bien une chance de devenir la plus grande formation parlementaire.

La N-VA est déjà le plus grand parti de la Chambre, mais elle doit s’incliner face à la famille socialiste et libérale. Avec un résultat fort le 26 mai, le parti peut devancer les familles politiques. Dans les derniers sondages, le parti de Bart De Wever a perdu quelques sièges, mais en même temps, la N-VA est pour la première fois en mesure de transformer la grande avance de la Flandre en leadership fédéral.

Tout est ouvert

En tout cas, le politologue Carl Devos (UGent) y voit un schéma. « On n’accorde autant d’attention aux familles politiques qu’à l’approche des élections et pendant la formation « , dit-il. « Les partis le font principalement pour renforcer leur propre position. Pourquoi le CD&V voudrait-il que le CDH fasse partie d’une éventuelle réédition de la coalition suédoise ? Parce que le CD&V ne serait alors plus le seul parti au pouvoir sans tendance socio-économique libérale. »

Pourtant, l’importance des familles politiques diminue, dit Devos. « Je pense qu’il est parfaitement possible, par exemple, que l’Open VLD gouverne sans le MR. Entre 2007 et 2011, on a déjà vu la volonté du PS de gouverner sans le sp.a. »

Il en va de même pour la nomination du Premier ministre. « Le Seize allait traditionnellement à la plus grande famille, mais dans le gouvernement Michel, cette logique politique semblait loin. Ils se sont d’abord tournés vers Bart De Wever, puis vers Kris Peeters (CD&V) et ce n’est qu’à la fin qu’ils ont abouti chez Charles Michel, qui, en tant que libéral, était néanmoins membre de la plus grande famille ».

« Cela rend la formation du gouvernement beaucoup plus complexe », dit Devos. « Aujourd’hui, des combinaisons inimaginables dans le passé sont possibles. Il est donc tout à fait possible que nous obtenions un gouvernement fédéral sans la N-VA, mais avec le PS. Au niveau flamand, il est également possible que SP.A s’associe à la N-VA. En d’autres termes : le marché de la formation est ouvert. »

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