Theo Francken et Charles Michel © BELGA

Le gouvernement Michel tombera-t-il sur le Pacte des migrations ?

Six mois avant les élections européennes, le Pacte des Nations Unies sur les migrations, qui sera signé à Marrakech le mois prochain, suscite de vives discussions. Pas seulement en Belgique.

Il n’y a plus de doute : la migration sera l’un des thèmes principaux des élections du 26 mai 2019.Ce jour-là, les Belges éliront un nouveau Parlement fédéral, régional et européen. Les autres États membres de l’UE voteront également la composition du Parlement européen. Et partout, les discussions tournent autour de la migration et du Pacte sur les migrations. Ce pacte migratoire a été négocié aux Nations Unies pendant un an et demi. Les 10 et 11 décembre, il sera officiellement signé à Marrakech. Même si le Pacte est un document confus rédigé dans un langage flou que seul un avocat chevronné peut déchiffrer, il déchaîne les passions.

Selon certains, le pacte garantira une migration mieux organisée au profit de tous. D’autres craignent que cela n’affecte la souveraineté nationale, ce qui rendrait plus difficile la gestion de l’afflux de migrants illégaux. Le Secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration, Theo Franken (N-VA), proclame même que le Pacte conduira à un « chaos de l’immigration illégale ». Les vice-premiers ministres Alexander De Croo (Open VLD) et Kris Peeters (CD&V) reprochent aux nationalistes flamands de ne pas avoir lu le texte correctement et de diffuser de fausses nouvelles. Le Premier ministre Charles Michel (MR), qui a déclaré à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier que son gouvernement approuverait le pacte, a gagné du temps et a examiné les aspects juridiques de la question. Si tout le monde s’en tient à sa position, il n’est pas exclu que le gouvernement Michel tombe sur le pacte migratoire.

Entre-temps, la confusion sur le contenu et les conséquences du Pacte sur les migrations n’a fait qu’augmenter, car même les universitaires ne sont pas du tout d’accord. Mark Elchardus (VUB), ancien idéologue du sp.a, qualifie le Pacte d’inacceptable dans De Morgen pour deux raisons : « Il fait obstacle à une approche efficace de la migration illégale et il est remarquablement unilatéral et parti pris ». Dans son blog, le recteur de l’Université de Gand, Rik Van de Walle, tente de réfuter point par point l’opinion d’Elchardus. Dans un article d’opinion sur Knack.be, le juriste Hendrik Vuye fait ensuite écho à Elchardus et qualifie le texte d' »assez partial ». Vuye note également que, selon le Pacte, les citoyens ont droit à une information « objective, factuelle et claire » pour contrer la perception négative de la migration. Ces informations devraient fournir une « perception humaine et constructive » de la migration – ce qui équivaut à de la propagande, selon Vuye.

L’avocat Fernand Keuleneer indique une objection plus fondamentale aux textes: « le dernier mot revient aux tribunaux (supranationaux). » Keuleneer parle de constitutionnalisation : une prolifération de droits fondamentaux formulés dans des traités internationaux contraignants. Souvent, ces traités, comme le Pacte sur les migrations, sont délibérément vagues « de sorte qu’un juge est obligé d’interpréter et donc de prendre une décision politique ». C’est une mauvaise évolution, déclarait Keuleneer l’an dernier à Knack, car un tel tribunal « se compose d’un petit groupe de personnes non élues. Bien sûr, cela n’est pas conforme à notre conception traditionnelle – à mon avis correcte – de la démocratie : nous organisons des élections, un parlement est formé, et ce parlement édicte ou modifie nos lois. Aujourd’hui, on peut se demander pourquoi nous avons encore besoin de tout ce cirque de parlementaires. Leurs lois sont de plus en plus annulées par le droit supranational ou international. On pourrait tout aussi bien faire la danse des canards dans les nombreux parlements que compte notre pays. »

En 1995 déjà, Keuleneer mettait en garde : « À long terme, le processus de constitutionnalisation affectera non seulement la légitimité du système politique, mais aussi l’acceptation sociale de l’ordre juridique et entraînera la balkanisation de la société, la division en groupes et clans qui, au mieux, vivent en paix froide ou en guerre froide, les uns à côté des autres, mais plus ensemble. » C’est ce qui se passe aujourd’hui, dans notre pays et dans le reste de l’Europe.

On pourrait s’attendre à ce qu’un tel pacte migratoire donne lieu à des débats parlementaires – mais ce n’est pas le cas. Le problème, c’est qu’il n’y a pas trois parlementaires du peuple qui puissent analyser un tel texte et évaluer correctement ses effets juridiques », déclare Keuleneer. Et cela malgré le fait que notre parlement compte tant de juristes. Est-ce qu’ils ne connaissent vraiment que la danse des canards?

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