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Le glyphosate toujours autorisé, « une mesure irresponsable » et « le contraire de ce qu’attendent les citoyens »

La Commission européenne a décidé de prolonger l’autorisation de la substance herbicide glyphosate pour 18 mois, a indiqué mardi le commissaire européen à la Santé et la sécurité alimentaire, à l’issue du Conseil « Agriculture et pêche » à Luxembourg. Une mesure « aussi incompréhensible qu’irresponsable », a déploré Céline Frémaut.

« Nous en avons parlé à plusieurs reprises avec les Etats membres en comité permanent, en comité d’appel et en bilatérales. Je suis surpris par les positions de certains d’entre eux qui n’ont pas voulu entendre nos propositions », a précisé le commissaire. « La Commission connaît les obligations juridiques, nous savons pertinemment qu’il y a une échéance fixée au 30 juin et nous allons donc adopter la prorogation de l’autorisation du glyphosate », a-t-il ajouté.

Céline Fremault, ministre bruxelloise de l'Environnement
Céline Fremault, ministre bruxelloise de l’Environnement© BELGA

La ministre bruxelloise de l’Environnement Céline Fremault (cdH) n’a pas tardé à réagir : « Pourtant et au regard de sa récente classification par l’OMS, cela fait plusieurs mois que ce produit sulfureux ne devait plus avoir sa place dans les rayons de nos magasins, sa prolongation est aussi incompréhensible qu’irresponsable », a-t-elle déploré la ministre bruxelloise.

Rappelant qu’elle a décidé d’interdire à Bruxelles l’usage du glyphosate, substance active de nombreux pesticides et produit classifié en 2015 par l’OMS comme cancérigène ‘probable’ ou ‘possible’ pour l’homme, Mme Fremault a dit « regretter profondément cette décision qui met en péril la santé des citoyens européens et leur environnement ».

La ministre de l’Environnement s’en est par ailleurs prise au ministre fédéral de l’Agriculture Willy Borsus (MR), qui a confirmé à plusieurs reprises qu’il soutiendrait la proposition de la Commission européenne de renouveler l’homologation du glyphosate, une position qu’il a adoptée le 24 juin au sein du comité d’appel. Pour elle, « cette attitude s’apparente à une réelle lâcheté environnementale ».

D’après Mme Fremault, « face à si peu de prise de conscience du Fédéral », la Région de Bruxelles-Capitale a pris des « mesures fortes » en matière de prévention. Sur sa proposition, le gouvernement bruxellois a introduit le 15 avril dernier un arrêté visant l’interdiction de l’utilisation à Bruxelles des pesticides contenant du glyphosate.

Pour le ministre wallon de l’Environnement Carlo Di Antonio (cdH), la Commission européenne a raté un rendez-vous avec un développement plus durable de l’Europe ainsi qu’avec la protection de la santé et de la qualité de vie des citoyens en prolongeant l’autorisation du glyphosate. La mobilisation des citoyens, des associations et du monde politique en Wallonie n’a été que du vent pour le gouvernement fédéral, a-t-il également dénoncé.

Comme pour sa collègue bruxelloise Céline Fremault, M. Di Antonio a jugé que c’était bien l’application du principe de précaution qui devait prévaloir et « non l’octroi d’un délai complémentaire en attendant une énième étude sur le sujet ». Pour lui, une interdiction pure et simple au niveau européen et un accompagnement des acteurs dans la mise en oeuvre d’alternatives, avec une attention toute particulière aux agriculteurs, est la voie à suivre. Aux yeux de son président de parti, Benoît Lutgen, « devant une telle trahison du principe de précaution, le cdH retiendra surtout la responsabilité personnelle du ministre fédéral de l’Agriculture, M. Willy Borsus, lequel n’a cessé de promouvoir l’innocuité, voire les bienfaits du glyphosate. L’irresponsable désinvolture du MR dans ce dossier, défendant bec et ongles la position de Monsanto, contraste avec les décisions d’interdiction prises par les ministres cdH de l’Environnement, tant en Wallonie qu’à Bruxelles ».

Pour Ecolo, à l’heure du désamour des populations européennes à l’égard des institutions de l’Union, la décision de prolonger l’homologation du glyphosate est « une première occasion lamentablement manquée de donner un signal de changement de cap. Mais le combat continue, à tous les niveaux pour un environnement libéré du Roundup, a affirmé mardi soir le co-président Patrick Dupriez. « Deux tiers des citoyens européens sont contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate qui expire ce 30 juin. Ils n’en veulent ni dans leur assiette, ni dans leurs champs. Ils souhaitent que la loi protège prioritairement leur santé et celle de leurs enfants », a commenté le co-président des Verts francophones, via l’agence Belga.

« Les Etats membres ne parvenaient pas à s’entendre sur la prolongation d’autorisation du glyphosate. Qu’importe, la commission lui accorde un nouveau délais de 18 mois, le temps de nouvelles études, de nouvelles tergiversations, de nouvelles pressions de la part de Montsanto et des lobbies de l’agro-business, alors qu’il était possible de donner un signal clair pour permettre aux agriculteurs d’adapter leurs pratiques », a ajouté M. Dupriez.

Aux yeux du chef de file d’Ecolo, le choix posé par la Commission européenne est celui d’une agriculture industrielle basée sur une chimie toxique, « qui abîme notre santé, stérilise les sols, détruit la biodiversité et généralise les OGM. C’est le choix des intérêts particuliers d’une multinationale aux détriment de l’écrasante majorité des citoyens. Exactement le contraire de ce que les citoyens européens attendent aujourd’hui de leurs représentants. »

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