La première prise de parole de Greta Thunberg au Forum de Davos 2020. © Reuters

« Le Forum de Davos tente d’éviter d’être marginalisé en adoptant des thématiques sociétales »

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Le Forum économique mondial de Davos rassemble comme chaque année l’élite politique et économique dans un petit village de Suisse. Invités de marque : Greta Thunberg et Donald Trump. « Incompatible », nous dit Arnaud Zacharie, Secrétaire général du CNCD-11.11.11, pour qui le rendez-vous a perdu de sa légitimité au fil des années.

Le Forum de Davos met en avant l’urgence climatique, notamment en invitant Greta Thunberg. Les organisateurs ont également dévoilé un rapport qui indique que les chefs d’entreprises placent les risques climatiques en tête de leurs préoccupations pour les années à venir. Davos cherche à se créer une autre image, plus proche des sujets de société ?

Arnaud Zacharie: Il y a des sujets qui s’imposent, y compris au Forum de Davos, parce qu’ils sont portés par des organisations de la société civile. Cette année, l’accent est mis sur le climat. Ce n’est pas étranger au fait qu’il y ait des marches pour le climat dans le monde depuis des mois. Mais ce n’est pas du Forum de Davos qu’il faut s’attendre à ce qu’il y ait un changement significatif des modes de production et de consommation du système économique, qui est la cause des problèmes liés au changement climatique. Le Forum de Davos en est un des principaux concepteurs.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Davos s’ouvre à des thématiques sociétales, cela avec déjà été le cas avec les inégalités sociales. Mais c’est avant tout un lieu de rencontre entre les acteurs du monde politique et économique, pas un lieu de décision. Pour les ONG, c’est le signe que les alternatives qui sont portées par la société civile ne peuvent pas être balayées du revers de la main, y compris par les élites politiques et économiques. Mais ce n’est pas de là qu’il faut attendre des mesures ambitieuses.

L’évènement reste néanmoins un moment-clé, aussi pour les organisations, afin de communiquer à contrepied…

Tout à fait. Chaque année Oxfam publie à la même époque son rapport sur les inégalités mondiales. Cela met le doigt sur les problèmes qui sont de plus en plus graves. Il y a aussi les manifestations en marge de l’évènement pour le climat. Les ONG cherchent à rappeler aux participants que le défi du changement climatique nécessite de sortir du « business as usual ».

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Le Forum de Davos, c’est avant tout de la communication. Mais on voit depuis de nombreuses années que le rendez-vous a perdu de sa crédibilité et de sa légitimité. Le Forum lui-même tente d’éviter d’être marginalisé dans le débat public en adoptant les thèmes qui sont portés par les organisations de la société civile.

Le Forum de Davos fête cette année ses 50 ans. A-t-il encore une raison d’être en 2020 ?

On pourrait se poser la question. La crise de 2008 a été un camouflet pour le Forum de Davos. C’était la ligne portée depuis de nombreuses années par les acteurs concernés. Après la crise financière, on a parlé de la nécessité de réforme et d’alternatives, et c’est clairement en dehors du Forum que ces alternatives sont portées aujourd’hui.

Donald Trump à son arrivée au Forum de Davos.
Donald Trump à son arrivée au Forum de Davos.© Reuters

Je ne vois pas vraiment d’évolution dans la ligne du Forum depuis sa création. Il y a des contradictions dans les annonces du Forum. Il suffit de voir les deux grands invités de cette année : d’un côté le climat avec Greta Thunberg, de l’autre Donald Trump, qui est un climatosceptique notoire et qui est l’un des acteurs qui a empêché tout accord lors de la COP25 à Madrid. C’est incompatible.

Les acteurs de Davos voient sans doute un espoir de pouvoir aborder les défis climatiques sans rien changer au système économique. Ils ont profité du système en place et cherchent à le modifier le moins possible. Mais il ne faut pas se leurrer: si on veut arriver à la neutralité carbone en 2050, il va falloir de nouveaux modes de production et de consommation, qui soient soutenables et plus équitablement répartis.

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