Le financement du Q.G. d’Ecolo-Groen en question(s)

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Ecolo-Groen peinent à intégrer dans la comptabilité des partis la société coopérative constituée pour acheter leur siège bruxellois. Mobilisés, les experts tiquent. Parlent d’un risque d’ingérence commerciale dans le financement public de la politique.

Déjà inséparables au Parlement, les écologistes flamands et francophones ont décidé de conforter leur idylle en s’abritant sous un même toit. Un nouveau nid d’amour bruxellois de 1500 mètres carrés de bureaux et de salles de réunion, appelé à héberger une septantaine de collaborateurs. La « Greenhouse », convertie aux vertus de la basse énergie après un an de travaux de rénovation, sera « le jardin de la transition écologique », s’est réjoui Patrick Dupriez, coprésident d’Ecolo, en prenant officiellement possession des lieux au nom d’Ecolo-Groen, fin février.

Avant même la pendaison de la crémaillère, déjà une tuile. Guidés par le principe de précaution, sans doute échaudés par une expérience malheureuse qui leur avait valu en 2015 un mois de suspension de dotation (toujours contestée devant le Conseil d’Etat) pour une irrégularité purement comptable dans le financement de collaborateurs licenciés, les Verts ont tenu à soumettre spontanément leur acquisition immobilière devant la commission parlementaire de contrôle de la comptabilité des partis politiques.

Un scrupule qui les honore mais qui, par son côté un peu tardif, crée un certain embarras.

Les Verts victimes de leurs scrupules

C’est que le recours à une société coopérative pour investir dans la brique n’est pas la voie indiquée lorsqu’on est un parti politique. Et qu’il s’agit à présent d’intégrer cette SCRL « Greenhouse.brussels » dans le bilan comptable propre aux ASBL. Ce que la législation sur le financement et la comptabilité des partis politiques ne prévoit pas, au regard de sa liste exhaustive des entités d’un parti qu’il faut faire apparaître dans les comptes financiers.

Parole a donc été donnée aux experts de la commission, tout surpris de se retrouver placés devant un fait accompli : ils sont désignés pour contrôler et non pour donner un avis sur une construction juridique de surcroît déjà activée. Qu’importe : à eux de trouver la case adéquate qu’Ecolo-Groen pourront remplir dans le périmètre de consolidation des comptes.

Une formalité, pensent les verts. « Le problème qui a été soulevé par Ecolo lui-même est purement technique, l’opération est d’une totale transparence », assure Fernand Maillard, réviseur d’entreprise du parti.

Objections, rétorquent les experts, aussi chatouilleux sur les principes d’une gouvernance exemplaire que les écologistes en politique.

Beau casse-tête juridique en effet : voilà nos spécialistes confrontés, avec « Greenhouse.brussels », à « une forme de société commerciale dont l’objet est extensible », pourvue d’un capital social de 301.200 € (Groen : 190.800 € – Ecolo : 110.400 €) complété par un emprunt au montant inconnu, le tout mobilisé pour acquérir et rénover l’immeuble (coût estimé des travaux : 1,4 million €). Foi d’experts, une telle structure n’a pas à être reprise comme composante d’Ecolo ou de Groen mais doit vivre sa vie en se nourrissant des loyers qu’elle percevra et donc sans pouvoir compter sur les dotations publiques des partis. Ce que précise d’ailleurs bien un courrier adressé par Ecolo.

Les experts ont des doutes

Sauf que, avancent ces mêmes experts, « les parts fixes et variables du capital social ont été fournies par les composantes d’Ecolo et Groen et proviennent donc des dotations et subventions octroyées par les assemblées parlementaires. » Il y aurait donc là indices d’un potentiel mélange des genres qui rend perplexe et dubitatif. Sur foi des statuts de la coopérative, appuient encore les spécialistes, « des coopérateurs publics ou privés pourront bénéficier du patrimoine social de la SCRL, patrimoine social apporté par les composantes d’Ecolo et Groen donc par les dotations publiques. » D’où ce joli sujet de dissertation : « Peut-on admettre qu’une dotation publique puisse servir à une finalité commerciale par l’entremise d’une SCRL composante juridique d’un parti politique ? »

A l’Institut des Réviseurs d’Entreprises et à la Cour des comptes de tirer l’affaire au clair. Et pour Ecolo et Groen, cette jolie colle d’examen à résoudre : fusionner deux techniques comptables différentes, celle des ASBL et des sociétés commerciales.

Au fait, pourquoi avoir fait compliqué quand il aurait été peut-être possible de faire simple ? « Serait-ce par hasard pour des raisons fiscales ? », a glissé le député Open VLD Luk Van Biesen mercredi dernier en séance de commission, dans une allusion au régime fiscal d’une société coopérative à court terme plus favorable que celui de l’ASBL. Le léger froid ainsi jeté par ce spécialiste en gestion comptable aurait offusqué Ecolo. Qui s’étonne que l’on puisse ainsi s’étonner. Qui dit avoir agi de la sorte en toute bonne foi, par commodité purement technique, pour une gestion harmonieuse du bâtiment acquis en commun avec Groen. Et qui invite les autres partis à regarder dans leurs propres assiettes.

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