Sotegec © iStock

Le fiasco programmé de l’Affaire Sotegec

L’affaire Sotegec, à Namur, a engouffré l’argent public et brisé des vies. Face à l’enlisement du dossier qui traîne depuis huit ans et demi, la justice propose aux derniers inculpés de payer. Retour sur un fiasco programmé.

Le spectre du soupçon était apparu le 31 mai 2006 dans la paisible vie politique namuroise. Sombre tournant pour la majorité socialiste de l’époque. Ce jour-là, la presse révélait l’existence de marchés publics douteux, octroyés par le bourgmestre Bernard Anselme au bureau d’études Sotegec, où sa compagne Rita Maillard siégeait en tant qu’administratrice. Ce jour-là allait, surtout, enclencher une gigantesque tempête judiciaire à quelques mois des élections. Et sceller à jamais le destin des 25 personnes citées dans le réquisitoire du parquet.

Huit ans et demi plus tard, il ne reste rien, ou presque, du « scandale Sotegec », dont l’issue judiciaire s’inscrit en pointillé. Les arguments de l’instruction se sont considérablement érodés au gré des reports d’audience et des devoirs complémentaires d’enquête. Quatorze inculpés ont depuis lors bénéficié d’un non-lieu ou d’une prescription. C’est le cas de Guy Jomaux, l’ancien chef de corps de la police namuroise, désormais blanchi. « J’ai été inculpé en 2010 par courrier, sans jamais avoir été entendu par le juge d’instruction, raconte-t-il. Pendant toutes ces années, j’avais l’impression d’être piégé comme un rat, alors que je me savais irréprochable. »

Le dossier s’est enlisé dès les prémices de l’enquête et de l’instruction. En inculpant 25 personnes physiques ou morales, jusqu’à l’employée qui avait faxé un document suspect à la demande de sa hiérarchie, l’enquête s’est perdue dans les détails. Entraîné dans la tourmente durant de longues années, Guy Jomaux estime que le parquet n’a pas joué son rôle vis-à-vis de l’instruction bouclée fin 2010. « Le juge d’instruction disposait d’un pouvoir bien trop important. Et le parquet a continué dans la brèche, sans même connaître le dossier. On m’a reproché d’avoir participé à une réunion alors que je n’étais pas encore à Namur à ce moment. »

En octobre dernier, la chambre du conseil décidait de renvoyer les onze derniers inculpés en correctionnelle. Parmi eux, les socialistes Bernard Anselme et Frédéric Laloux, ainsi que Rita Maillard et Pierre Louis, ex-époux de cette dernière et administrateur délégué de la Sotegec. Mais, début décembre, la justice a fait volte-face. Pour éviter que la prescription ne précipite ces huit années et demie de traque dans les limbes, le parquet général de Liège leur propose une transaction financière, en échange de l’abandon des poursuites.

Payer pour tourner la page ou poursuivre le combat pour rétablir l’honneur bafoué. Tel est le dilemme pour les noms encore inquiétés dans l’affaire Sotegec, qui doivent faire part de leur décision avant la fin du mois.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec notamment :Christian Panier, juge émérite et ancien président du tribunal de première instance de Namur : « C’est l’illustration que la mission du juge d’instruction est une institution obsolète »

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