Olivier Rogeau

Le fantôme de Lumumba hante encore la Belgique

Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Les fils de Patrice Lumumba ont obtenu gain de cause : la justice belge peut ouvrir une enquête sur l’assassinat du Premier ministre congolais. Certains protagonistes belges de l’affaire, toujours en vie, seront-ils interrogés, voire inculpés ? Et l’accès aux archives sensibles sera-t-il enfin facilité ?

En février 2002, François Lumumba, fils du Premier ministre congolais assassiné, avait félicité la Belgique pour son « courage politique ». Un long travail d’enquête, mené depuis mai 2000 par les membres de la « commission Lumumba », venait de s’achever. Cette commission parlementaire avait conclu que « certains ministres et autres acteurs » belges portaient une « responsabilité morale » dans l’élimination de Patrice Lumumba, le 17 janvier 1961. Le volumineux rapport de la commission pointait du doigt le rôle de responsables belges dans la mise à l’écart du Premier ministre congolais, son transfert au Katanga et sa disparition.

Rideau ? Pas tout à fait. La famille de Lumumba et les chercheurs concernés par l’affaire ont vite constaté que les décisions et recommandations de ladite commission étaient restées lettre morte. Un accès facilité aux archives personnelles des acteurs de l’époque et à des informations non encore dévoilées ? Comme soeur Anne, on ne voit que « l’herbe qui poudroie ». Une enquête sur les responsabilités individuelles ? On l’attend toujours. La « Fondation Patrice Lumumba », que le gouvernement belge devait financer à hauteur de 3,75 millions d’euros, complétés par une dotation annuelle d’au moins 500 000 euros ? Elle n’a jamais été créée, les négociations belgo-congolaises ayant capoté.

« Il faut tirer de l’établissement des faits toutes les conclusions, d’ordre pénal et juridique », a estimé François, l’aîné des fils Lumumba. Bref, mettre fin à l’impunité, cinquante et un ans après les faits. La plainte déposée en juin 2011 par la famille Lumumba devant un juge d’instruction bruxellois vise une dizaine de Belges, dont huit sont encore en vie. Parmi eux, on cite les noms d’Etienne Davignon, de Jacques Brassinne, de Charles Huyghé…, anciens diplomates, conseillers et attachés de cabinet de ministres belges ou katangais en poste en 1960-1961. La chambre des mises en accusation de Bruxelles vient de donner raison au parquet fédéral, qui s’estimait compétent pour engager des poursuites. La loi de compétence universelle autorise en effet la justice belge à mener une enquête, l’assassinat de Lumumba étant considéré comme un « crime de guerre » imprescriptible. Ce qui revient à ouvrir à nouveau une des pages les plus sombres de l’histoire coloniale et postcoloniale belge.

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