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« Le crime financier n’émeut pas assez l’opinion »

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le prince de Croÿ acquitté de fraude fiscale après vingt ans de procédure : un nouvel échec pour la justice pénale financière. Y a-t-il des solutions pour conjurer ce fiasco judiciaire systématique ? Le procureur général de Liège Christian De Valkeneer y croit. Mais, sans les politiques, ce sera dur..

Le Vif/l’Express : Le prince Henri de Croÿ, poursuivi pour une fraude aux sociétés de liquidités estimée à 75 millions d’euros, a finalement été acquitté à l’issue d’un second procès en appel, à Liège. Un acquittement de plus dans un méga-dossier financier. Comment expliquez-vous ces revers à répétition ?

Christian De Valkeneer : Les magistrats financiers sont motivés, mais leur formation n’est pas à la hauteur des matières complexes qu’ils traitent. Même chose pour les enquêteurs. Il est essentiel d’investir dans des formations longues, qui ne concernent pas seulement les aspects juridiques de ces dossiers mais aussi les aspects techniques. Pour un meurtre ou un vol, le modus operandi est souvent simple. Pour une grande fraude fiscale, ce n’est pas le cas. Par ailleurs, comme on connaît mal les modus operandi en matière de crime financier, on aborde les dossiers à l’aveugle. On veut trop embrasser de peur de rater quelque chose. Et cela débouche alors sur des procédures interminables. C’est une partie de l’explication. En matière de criminalité financière, les magistrats sont confrontés à des équipes d’avocats très spécialisés qui, eux, ont suivi les formations techniques adéquates et qui peuvent alors passer au peigne fin tous les éléments du dossier. C’est ainsi que le règlement de procédure, entre l’instruction et un éventuel procès au fond, est sept fois plus long pour une affaire pénale fiscale que pour une affaire de droit commun classique, soit, en moyenne, 156 jours contre 21 jours.

Il y a plus d’un an, les procureurs généraux lançaient un cri d’alarme en pointant 555 dossiers financiers, à l’instruction depuis cinq ans et menacés de prescription. Les politiques ont-ils entendu votre cri d’alarme de 2014 ?

Non. Aucun retour. Quand un parquet doit résoudre un problème de cadres, c’est toujours sur les effectifs de la section financière qu’on fait des économies, car les faits de meurtre et d’atteinte aux biens sont prioritaires. Cela ne change pas…

Pourquoi les politiques belges calent-ils tant à l’idée d’un parquet financier ?

La criminalité financière ne génère pas le même degré d’émotion que d’autres formes de criminalité. Elle n’émeut pas assez l’opinion publique. Or, on le sait, les politiques fonctionnent en grande partie sur la base des émotions collectives. La réforme pénale de 1998 découlait de l’affaire Dutroux. Les réformes importantes en matière de méthodes particulières de recherche sont intervenues après le 11 septembre 2001.

L’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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