Jan Goossens, ancien directeur du KVS à Bruxelles, désormais à la tête du Festival de Marseille. © Belga

Le conflit de deux personnalités pour la garde de leur enfant vire à l’affaire diplomatique

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Comment est-il possible que la chanteuse malienne Rokia Traoré ait pu quitter l’Europe en avion privé, en plein confinement, alors qu’elle était sous contrôle judiciaire? C’est la question posée aux autorités par Sven Mary, l’avocat du père belge, Jan Goossens, directeur du Festival de Marseille.

Comment est-il possible que la célèbre chanteuse Rokia Traoré, sous contrôle judiciaire de la Belgique dans le cadre d’un conflit pour une garde d’enfants, ait pu quitter le continent européen pour son pays d’origine, le Mali – et ce en pleine période de confinement, avec un avion privé ? Telle est la question que pose le célèbre avocat Sevan Mary, toujours en charge d’affaires rocambolesques, au nom de son client Jan Goossens, ancien directeur du KVS à Bruxelles, aujourd’hui directeur du Festival de Marseille et surtout père des enfants en question. Sven Mary a contacté les ministres belges des Affaires étrangères, Philippe Goffin (MR), et de la Justice, Koen Geens (CD&V), qui ont tous deux renvoyé la question aux instances diplomatiques et judiciaires.

Pour comprendre cette belle histoire transformée en conflit juridico-diplomatique, il faut remonter dans le temps. Entre 2013 et 2018, Jan Goossens et Rokia Traoré sont amoureux. De leur union naît une fille, en mars 2015 à Bruxelles. « Leur fille y a toujours été domiciliée, soulignent les avocats. Elle possède les nationalités belge et malienne. Jusqu’à ses quatre ans, elle a grandi en contact étroit avec ses deux familles et cultures respectives ; elle a passé beaucoup de temps en Belgique, avec ses grands-parents, son oncle et sa tante, sa cousine d’un an de moins qu’elle. »

Puis, survient la rupture, durant l’été 2018. La belle histoire tourne rapidement à l’aigre. Les parents s’attaquent à coups de procédures judiciaires. La chanteuse accuse son ancien compagnon d’attouchements sexuels. Celui-ci porte l’affaire en justice en y dénonçant lui-même des « mensonges », et obtient plusieurs jugements favorables lui permettant de voir sa fille dans le cadre d’une garde partagée – des jugements niés par la maman de la petite fille. La plainte pénale déposée en Belgique par Rakia Traoré est classée sans suite. Un tribunal bruxellois tranche la question de la garde en faveur du père. Mais la petite fille du couple, désormais, vit au Mali. Jan Goossens dénonce « enlèvement et séquestration ». Il n’a plus vu son enfant depuis le 17 mars 2019.

Le conflit dérape encore. Fin novembre, Rakia Traoré est arrêtée en France. On lui concède deux mois pour répondre aux injonctions de la justice. Le délai est ensuite prolongé d’un mois. En mars 2020, la chanteuse est brièvement incarcérée pour avoir refusé de se présenter devant la justice belge avec sa fille. Elle est finalement relâchée sous contrôle judiciaire, alors que la crise du coronavirus démarre sa folle course et que les frontières sont contrôlées. Finalement, elle annonce via Facebook être au Mali, qu’elle a rejoint par avion privée, et s’explique dans une longue lettre ouverte : « Je suis une mère qui protège ses enfants, je ne suis pas une criminelle. » Elle se revendique d’une immunité diplomatique dont elle ne disposerait pas. Jan Goossens, via ses avocats, répétait son désir que « la justice fasse son travail en toute sérénité, avec urgence et compétence, de sorte que sa fille puisse rejoindre ses deux parents dans les meilleurs délais, et ce dans le cadre d’une solution équilibrée, équitable et juste ». La fuite de son ex-compagne complique encore la situation.

Sven Mary dénonce un « bras d’honneur de Rokia Traoré à la justice belge ». Le mandat d’arrêt européen, précise-t-il, est réactivé et celle-ci ne pourra plus venir en France, où se déroule une bonne partie de sa carrière artistique. « Comment est-il possible qu’une personne sous contrôle judiciaire puisse quitter l’Europe en pleine période de confinement, alors que peu de vols décollent ?, s’interroge Sven Mary. Et avec quel passeport ? »

La querelle privée est devenue une affaire diplomatique. Interrogé par le Standaard, le porte-parole des Affaires étrangères belges soulignent que « les ambassades de Bamako et paris sont au courant ». « Le parquet de Bruxelles doit prendre contact avec celui de Paris », dit-on à la Justice.

« C’est l’année la plus difficile de ma vie, jamais je n’ai voulu cela et il n’y a qu’une perdante : notre fille », soupire Jan Goossens, interviewé par téléphone par le Nieuwsblad.

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