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Le chômage est-il réellement en baisse?

Stagiaire Le Vif

L’ONEM (Office national de l’emploi) a annoncé une diminution de presque 10% du nombre de chômeurs complets indemnisés dans son rapport annuel, soit un peu plus de 60.000 personnes. Mais la moitié de celle-ci est imputable à la limitation à trois ans des allocations d’insertion. 29155 personnes sont ainsi arrivées en fin de droit au cours de l’année 2015.

La diminution du nombre de demandeurs d’emploi peut s’expliquer par trois facteurs importants. La première raison serait économique. « La conjoncture est une des raisons de la situation que l’on connaît aujourd’hui. Nous avons une croissance de 1,4%, certes modérée, mais des études menées par le Bureau du Plan et la BNB ont montré que la situation économique a permis la création d’emplois », nous explique Georges Carlens, administrateur-délégué de l’ONEM.

Il poursuit: « Il s’agit ensuite de démographie. Il y a une population en âge de travailler qui continue d’augmenter mais beaucoup plus lentement qu’auparavant. C’est pareil pour le vieillissement de la population, où il y a plus de travailleurs qui partent vers la pension, ce qui provoque aussi une libération du nombre de places à pourvoir. » M. Carlens tempère: « Mais n’exagérons pas trop non plus cette deuxième raison, car elle est compensée par le fait qu’il y a de plus en plus de travailleurs détachés qui viennent travailler en Belgique, qui dépendent donc d’un employeur étranger sans être inscrits à la sécurité sociale belge. Ca diminue donc les possibilités d’emploi pour les travailleurs locaux. »

Enfin, les réformes décidées par les derniers gouvernements ont eu indubitablement des conséquences sur la situation actuelle. La réforme qui a eu le plus d’effet est sans conteste la limitation des allocations d’insertion à trois ans, une aide attribuée aux personnes venant de terminer leurs études: « La mise en application de cette réforme a débuté en 2012, par conséquent les premières fins de droits sont arrivées en janvier 2015. 23.000 personnes sont arrivées au terme de ces 3 ans, n’entrant dès lors plus en compte dans le nombre de chômeurs. La moitié de la diminution du nombre de chômeurs peut donc être imputée à cette fin de droit. »

L’ONEM démontre que 50% des personnes ayant perdu leurs droits d’insertion ont trouvé du travail. Les autres sont toujours inscrits comme demandeurs d’emploi mais plus indemnisés par l’ONEM et émargent donc du revenu d’intégration des CPAS.

« C’est vrai que c’est une grosse conséquence. Mais il faut aussi replacer la réforme de 2011 dans son contexte. A l’époque, la Belgique a reçu des recommandations des instances internationales, pas uniquement du FMI ou de l’OCDE, mais aussi de l’Europe. Nous sommes le seul pays où les allocations de chômage sont illimitées dans le temps. C’est le système d’allocations d’insertion qui a été touché. Dans d’autres pays, il n’existe même pas. C’est important de s’en souvenir », rappelle Georges Carlens.

Des chiffres à relativiser

Selon Bruno Vanderlinden, économiste à l’Institut de recherches économiques et sociales de l’UCL et spécialiste du marché du travail, il ne faut pas être trop euphorique: « Il faut être conscient que tout ceci est une mesure du nombre de chômeurs. Ce qui, selon moi, est un indicateur plus pertinent, c’est le taux de chômage. C’est-à-dire la fréquence du « phénomène chômage » dans la population. Le rapport de l’ONEM se base ici sur le nombre de personnes et pas sur la fréquence du phénomène. Si on regarde l’évolution du taux de chômage, il faut reconnaître que cette baisse du taux en 2015 est encore pour le moment analysée de manière imparfaite. Il y a des statistiques à prendre avec prudence. Mais la diminution est très faible. Le « risque » du chômage a baissé certes, mais pas de manière significative. Parler du nombre de personnes est différent que de parler du « risque », c’est-à-dire la fréquence », nous explique-t-il.

Une précarité toujours plus élevée

La situation actuelle semble des plus paradoxales. Certes les chiffres du chômage divulgués par l’ONEM semblent de prime abord positifs, mais la précarité augmente elle aussi en parallèle.

On apprend qu’en 2015, 115.000 personnes ont perçu le revenu d’intégration, soit une augmentation de 12,4% par rapport à l’année précédente. C’est ce qu’annonce aujourd’hui le Service public de programmation Intégration sociale (SPP IS). L’organisme attribue cette forte augmentation aux réformes des allocations de chômage et à l’arrivée des réfugiés.

L’ensemble du pays est touché par cette augmentation, mais c’est en Wallonie qu’elle est la plus élevée (+16,5%), alors qu’elle est de 9,4% en Flandre et 8,6% à Bruxelles. Les jeunes sont les plus touchés. Les 18-24 ans représentent 31% du total des bénéficiaires du revenu d’intégration sociale alors qu’ils ne représentent que 10,7% de la population. Il faut savoir aussi que les bénéficiaires du revenu sont plus souvent des femmes que des hommes, même si la tendance diminue, tout en restant importante. 53,7% des bénéficiaires du revenu d’intégration sont des femmes, dont l’écart avec les hommes varie selon le lieu de résidence. Il est plus important dans les petites communes (10,8%) que dans les grandes villes (2,2%). 44% des femmes bénéficiaires ont une famille à charge, alors que les hommes, eux, sont surtout isolés. Le revenu d’intégration, accordé par les CPAS, est un revenu minimum destiné aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes.

Maxime Defays

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