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 » Le CD&V doit soutenir Bart De Wever « 

Ministre de la Justice et ancien président du parti, Stefaan De Clerck annonce la couleur du CD&V issu de la déroute électorale : elle se teintera du noir et jaune qui fait le triomphe de la N-VA, l’allié retrouvé…

Il en connaît un bout, sur le CD&V qui broie du noir. C’est lui qui a eu la lourde et pénible tâche de présider le parti, plongé en pleine crise existentielle après son renvoi historique dans l’opposition en 1999. Ce n’est pas l’épisode le plus agréable de la carrière politique de Stefaan De Clerck. Ni le plus réussi : l’homme fort de Courtrai, dont il est le bourgmestre, a toujours eu du mal à s’imposer à la tête de sociaux-chrétiens déboussolés. C’est à lui, cependant, que le vieux CVP, rebaptisé en CD&V (avec « V » pour Vlaams) en 2001, doit son virage flamand et sa posture confédéraliste.

Stefaan De Clerck, redevenu ministre de la Justice à la fin de 2008, apprécie à sa juste valeur la fulgurante montée en puissance du parti de Bart De Wever. Sans laisser paraître de dépit : après tout, la N-VA, c’est aussi l’ancien partenaire d’un cartel qui a toujours eu les faveurs de l’autre homme en vue du CD&V de Flandre occidentale (43 946 voix à la Chambre ce 13 juin), avec un certain Yves Leterme.

Le Vif/L’Express : Jamais le CD&V n’a connu un résultat électoral aussi bas. Cette défaite est-elle pire à encaisser que l’échec du CVP en 1999 ?

Stefaan De Clerck : Oui, absolument. Mais cette défaite-ci est celle de tous les partis traditionnels flamands. Tous enregistrent leur niveau électoral le plus bas. C’est l’échec global d’une politique menée en faveur de la Belgique, sous la direction d’Yves Leterme et du CD&V en qui la Flandre avait placé ses espoirs. Nous avons échoué faute d’accord communautaire avec les francophones et plus directement en raison de l’attitude de l’Open VLD qui s’est retiré du gouvernement. Le ras-le-bol annoncé tant de fois en Flandre s’est exprimé.

Yves Leterme n’est pas ménagé au sein même du CD&V pour sa responsabilité dans les malheurs du parti. A titre personnel, il tire son épingle du jeu dans le scrutin. Un comble ?

Ce pays est rempli de paradoxes. Yves est toujours soutenu en Flandre occidentale, y compris dans son rôle de victime d’une situation politique. Il a dû travailler dans des circonstances qui étaient impossibles. Je continue à le soutenir.

Le CD&V doit-il faire son mea culpa ?

Bien sûr. Il est dommage et frustrant de devoir conclure que nous avons été sanctionnés pour avoir été trop loin dans la recherche d’un compromis. Que nous aurions dû constater beaucoup plus tôt l’impossibilité d’arriver à un accord avec les francophones. C’est la première fois que nous échouons à ce point sur ce qui est dans la nature même du CD&V : la volonté de dialogue.

Votre constat préfigure un CD&V autrement moins accommodant sur le plan communautaire…

Nous n’avons plus le choix. Bart De Wever et la N-VA mènent le jeu. Nous allons le soutenir loyalement. Parce qu’il doit réussir. Sa plus grande victoire serait l’échec d’un accord communautaire. Ce serait alors l’étape suivante, vers l’indépendance. Et le CD&V ne pourra plus s’y opposer.

Cela exclut un CD&V qui choisit l’opposition ?

En tant que deuxième parti de Flandre et ancien cartelliste, notre responsabilité est de maintenir un lien avec la N-VA.

Comment le CD&V va-t-il pouvoir exister à côté d’une N-VA aussi puissante ?

Espérer gagner en cherchant à liquider un adversaire serait dévastateur. La politique est devenue trop volatile. Le core business de la N-VA est communautaire. Le nôtre aussi, en partie. Nous avons introduit le V de « Vlaams » dans le sigle CD&V. Il s’agit d’un élément clé.

L’élève N-VA aurait-il fini par dépasser le maître CD&V ?

En quelque sorte. Mais l’esprit du cartel CD&V/N-VA est toujours là. Il faut s’inscrire dans cette logique qui s’est concrétisée par des victoires électorales en 2004, 2007 et encore, séparément cette fois, aux régionales de 2009. Cette logique subsiste au sein du gouvernement flamand, où nous travaillons ensemble. Je reste un cartelliste sans être un séparatiste. C’est la bonne voie.

Ce raidissement n’annonce rien de bon pour les partis francophones…

Aux francophones à prendre conscience de la nécessité d’un accord. S’ils n’ont pas encore compris la portée du signal qui vient d’être donné en Flandre, alors je ne sais pas ce qu’il faudra encore pour souligner qu’il y a un problème… Je le dis avec force : cet accord communautaire est la clé. Il y a urgence. Tout le monde en Flandre le dit : c’est maintenant ou jamais. Et tout le monde est prêt à aller beaucoup plus loin, d’une manière radicale s’il le fallait. Nous sommes face à une poussée nationaliste portée par les milieux intellectuels, étudiants, les entreprises, les professions libérales. Si le scrutin se déroulait aujourd’hui, la N-VA serait à 40 %…

PIERRE HAVAUX

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