Carl Devos

Le budget, l’humiliation du gouvernement

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Dans plusieurs domaines, le gouvernement Michel entend faire la différence par rapport à son prédécesseur, conduit par Elio Di Rupo : un gouvernement sans socialistes devrait atteindre des résultats sensiblement meilleurs qu’avec.

De fait, la coalition suédoise parvient à créer quelques ruptures de tendance significatives. La croissance de l’emploi dans le secteur privé est encourageante et on assiste à une baisse des dépenses publiques. Mais ce sont, somme toute, des victoires limitées au niveau macro-économique, qui ne sont pas (encore) de nature à renverser l’image globale d’un gouvernement d’austérité qui, au niveau micro, atteint les citoyens de plein fouet.

Le budget est l’un de ces domaines essentiels où l’exécutif Michel peut faire la différence. En avril 2014, au cours d’un débat très attendu, Bart De Wever, président de la N-VA, avait jeté à la face de Paul Magnette, alors président du PS, une phrase assassine : « Show me the money ! » L’enjeu de la discussion était : combien le gouvernement Di Rupo avait-il réellement économisé ? Le message de De Wever était clair : avec les socialistes, il est impossible de réaliser de réelles économies, or celles-ci sont nécessaires si on veut continuer à financer notre modèle social.

Le report de l’équilibre budgétaire représente une énorme défaite politique pour le gouvernement de Michel

Le gouvernement Michel a pris une série de mesures d’économie qu’il a compensées notamment par une hausse des coûts pour les citoyens. C’est ainsi que de nombreux électeurs ont l’impression que ce que la suédoise donne d’une main, elle le reprend de l’autre. Et puis, il y a eu le tax-shift : un déplacement et un abaissement des impôts. Tout à coup, il allait donc rester davantage, en net, à la population active. Cette perspective devait convaincre les électeurs qu’un pouvoir de centre-droit incarnait un Etat permettant d’accroître la prospérité des citoyens.

Mais le scénario ne se déroule pas comme prévu. Le tax-shift coûte beaucoup d’argent aux pouvoirs publics et, pour l’heure, ni l’effet retour ni les mesures d’économie ne peuvent compenser la perte de revenus publics. Il y a aussi un problème budgétaire, indépendant de ce tax-shift. Depuis longtemps, la croissance belge est inférieure à la moyenne de la zone euro. Or, ce n’est plus un effet de l’héritage du gouvernement Di Rupo. La N-VA, mais aussi d’autres partis de la majorité, rejettent la faute sur les socialistes. Mais plus le temps passe, moins ce reproche est crédible. Du coup, plus on avance, plus les performances budgétaires médiocres s’expliquent par la politique de ce gouvernement-ci. Car, dans ce domaine crucial et en dépit de toutes les prétentions, l’équipe actuelle ne fait pas mieux que celle qui l’a précédée.

La politique d’austérité du gouvernement Michel n’est-elle pas elle-même en partie à l’origine du manque de croissance ? Cette question posée par l’opposition est pertinente parce que Charles Michel ne peut pas prouver que sa politique profitera, à terme, à la population tout entière.

L’humiliation suprême doit encore arriver. Le gouvernement voulait atteindre un équilibre structurel en 2018, ce que les socialistes n’auraient jamais réussi. Un équilibre fondamental : sans lui, notre modèle social serait compromis. Michel et les siens voulaient donc faire le ménage. Un symbole politique de la « force du changement ». Mais aujourd’hui, les partis de la majorité doivent constater que l’équilibre ne pourra pas être atteint en 2018. Ainsi s’écroule l’une des pierres angulaires du credo selon lequel ce gouvernement s’y prendrait mieux que le précédent. La pilule doit être amère pour ceux qui ont fait d’une administration sans socialistes leur fonds de commerce. Ce report de l’équilibre budgétaire est lourd de conséquences financières et représente une énorme défaite politique pour le gouvernement de Charles Michel.

par Carl Devos

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