Marc-Jean Ghyssels © Belga

Le bourgmestre de Forest épinglé pour sa gestion d’une affaire de moeurs dans une école

Le Vif

A moins d’un an des élections, le Bourgmestre Marc-Jean Ghyssels se serait certainement bien passé de cette épine dans le pied. En tant que Pouvoir Organisateur de l’école communale des 7 Bonniers à Forest, il est montré du doigt par les parents d’élèves sur la gestion calamiteuse de sa communication sur un dossier de moeurs.

En novembre dernier, un groupe d’enfants de cinq à huit ans est parti en classe verte au domaine de Palogne, au sud de Liège, du mardi au vendredi. Le lundi suivant, soit la veille du départ d’un second groupe d’enfants, la direction de l’école est informée par les parents d’un fait de moeurs sur une des élèves qui a participé à la classe verte la semaine précédente. Il s’agirait d’un viol, confirmé « par une équipe médicale et de professionnels qualifiés », selon le courriel anonyme d’un parent d’élève dans la confidence, envoyé à tous les parents d’élèves des classes concernées par les classes vertes.

Le Parquet du Procureur du Roi, nous a confirmé que les parents d’une victime se sont constitué partie civile dans les mains du juge d’instruction le 28 décembre 2017 et qu’une instruction a été formellement ouverte le 5 janvier dernier. A ce stade,  » le juge d’instruction a procédé à divers premiers devoirs d’enquête pour éclaircir la plainte. Personne n’est privé de liberté. »

Le Pouvoir Organisateur (c’est-à-dire le Bourgmestre de Forest Marc-Jean Gheyssels) a néanmoins pris la décision d’envoyer un second groupe d’enfants à Palogne le lendemain matin, sans informer les parents d’élèves de la situation. Le bourgmestre de Forest a demandé une « surveillance renforcée » des enfants du second groupe, sans même informer le personnel accompagnant de l’école des soupçons qui pèsent sur le voyage précédent, comme nous l’ont rapporté des parents d’élèves. Ils viennent en fait d’apprendre toute cette histoire trois mois après les faits, malgré les demandes insistantes de parents au courant de la situation et la recommandation du Délégué général aux droits de l’enfant (DGDE). Ils sont furieux et une réunion a été convoquée mardi soir à l’Hôtel de Ville de Forest.

Réunion houleuse

Ce soir-là, les parents sont remontés et vont exprimer leurs angoisses et leurs interrogations pendant trois bonnes heures. Le langage corporel du bourgmestre est on ne peut plus clair : il va s’installer à sa place habituelle, tout au fond de la salle des mariages qui sert aussi aux réunions du collège échevinal. Mais la distance est visiblement trop grande entre l’aréopage de responsables communaux et pédagogiques d’un côté et de l’autre, la foule de plus de 150 parents d’élèves qui veulent en découdre. Leur ayant proposé de se rapprocher, il se ravise, et fait quelques pas tout en restant à bonne distance, au point qu’il a besoin d’un micro pour se faire entendre. D’emblée, le ton est donné : il n’est pas là pour reconnaître des erreurs mais pour se justifier et rappeler les faits qui ont conduit à la décision d’envoyer des enfants à Palogne à la suite d’un soupçon de fait de moeurs pendant une classe verte, sans informer les parents d’élèves. « Nous n’avions qu’une demi-journée pour prendre une décision », et ceux qui ont décidé (« je n’étais pas le seul à prendre la décision », a-t-il rappelé) n’ont pas « voulu priver les enfants du plaisir » d’aller passer quatre jours à Palogne. Il se retranche derrière l’anonymat assuré aux parents de la victime pour justifier qu’il n’en a pas parlé aux autres parents d’élèves. Les parents vont se déchaîner contre lui, épargnant la Directrice, en poste depuis septembre dernier aux 7 Bonniers et visiblement dépassée par la situation.

Au bout de trois heures d’invectives et de témoignages de parents angoissés, Marc-Jean Gheyssels reconnaît du bout des lèvres qu’il a peut-être commis une erreur en envoyant des enfants à Palogne et en n’informant pas les parents d’élèves de la situation. Las, il n’a même pas de plan d’action pour la suite. Les parents repartent, sonnés.

Ils n’ont pas eu les réponses aux questions qui les taraudent désormais : y a-t-il eu d’autres petites victimes lors de ces deux semaines à Palogne ? Peut-on encore avoir confiance dans les compétences des décisionnaires, et en premier lieu le bourgmestre de Forest ? Comment est-il possible qu’on ait pu décider à leur place de prendre un tel risque, même en en sachant si peu sur cette affaire de moeurs ? Peut-on encore agir vis-à-vis des enfants ?

Consternation à Palogne

A Palogne, là où sont allés les enfants en classe verte, c’est la consternation. Le domaine de Palogne affiche 10.000 nuitées par an et s’est spécialisé dans l’accueil d’élèves en classes de dépaysement toute l’année. Il propose 45 animations et emploie une quarantaine de personnes. Rien ne permet d’affirmer à ce stade que le fait de moeurs s’est effectivement passé là-bas. Eric Lomba, Président de l’ASBL du domaine touristique du vallon de la Lambrée, gérée par la province de Liège, « tombe des nues ». Il a immédiatement demandé un rapport à la Direction du Domaine de Palogne. Le responsable de l’ASBL et de Palogne en particulier n’a ni été informé par la Commune de Forest, ni par l’école des 7 Bonniers, ni même contacté par la police. « Si c’est si important et grave, on aurait dû nous informer. Comment peut-on envoyer un 2e groupe s’il y a un problème avec l’encadrement ? On ne joue pas avec ça. C’est absurde de demander une surveillance renforcée si le problème vient d’un des accompagnateurs. Nous ne prenons aucun risque par rapport à une telle situation, mais ici, on ne nous a pas alertés. Comme nous n’avons pas été informés de cette affaire, nous n’avons pu prendre aucune disposition », nous a-t-il déclaré. « Nous sommes disposés, c’est notre devoir, à faciliter l’enquête de notre mieux », a-t-il ajouté.

Réponse tardive

Le Délégué Général aux Droits de l’Enfant Bernard de Vos, contacté par les parents de la victime, a déploré le manque de transparence de l’école et du bourgmestre de Forest dans cette affaire. Il leur a recommandé, en vain, d’informer les parents de cette situation afin de pouvoir s’assurer du bien-être de leurs enfants. Il a écrit le 15 décembre au bourgmestre de Forest, mais n’a reçu une réponse qu’un mois après. Il a été étonné que le Pouvoir Organisateur n’ait pas plus rapidement pris la mesure des choses. Il servira désormais de médiateur entre le bourgmestre de Forest et les parents d’élèves.

Conseil d’urgence

Ce mercredi après-midi, un conseil communal d’urgence s’est réuni à la demande du Groupe Ecolo, membre de la majorité communale pour obtenir des explications de la part du bourgmestre. « Le bourgmestre a continué à affirmer qu’il avait fait tout ce qu’il fallait », révèle Evelyne Huytebroeck, cheffe du Groupe Ecolo au Conseil communal de Forest. « Il avait peur de créer un mouvement de panique et de l’angoisse s’il informait les parents de la situation. Nous ne sommes pas d’accord du tout, ce n’est pas une manière de faire les choses : l’autorité politique doit mettre en place des mesures d’informations et agir en transparence, dans le but de rassurer. Tout se sait très vite et ne rien dire, c’est la porte ouverte à des rumeurs et à des fantasmes. »

Le bourgmestre est, cette fois, venu « bien tard » avec un plan : une série de six mesures à mettre en place à l’école des 7 Bonniers : une réunion en vue de la constitution d’un groupe de contact avec le délégué Général aux Droits de l’Enfant, l’association des parents et un délégué par classe des 5-8 ans ; informer les parents sur la manière de détecter des signes de traumatisme auprès des enfants ; la mise en place d’une procédure de gestion de crise ; une prise de contact avec SOS Enfants ; l’envoi d’une équipe mobile de la Communauté française en soutien aux professeurs ; l’ouverture d’une ligne téléphonique dédiée. Le Groupe Ecolo a également « fortement insisté » sur l’information des parents des autres écoles, suite à des manifestations d’inquiétude de leur part. Il a été décidé avec de fortes réticences de prendre contact avec les directions des autres écoles de la Commune. Selon Magali Plovie, conseillère communale en charge des dossiers éducatifs au groupe Ecolo à Forest, « il y a un vrai problème de communication et de confiance avec les parents, et à les considérer comme des acteurs au sein de l’école. Ils se sentent mis à l’écart ». Les cicatrices du Règlement d’Ordre Intérieur (ROI), une pomme de discorde monumentale entre le bourgmestre et les parents d’élèves de Forest, ne sont pas encore refermées. C’est Evelyne Huytebroeck qui résume le mieux le sentiment général vis-à-vis du bourgmestre de Forest : « Le fait de ne pas montrer d’empathie ni de compréhension, ça ne va pas. Au contraire, il faut reconnaître qu’on aurait pu mieux faire et dire ce qu’on fait. »

Hughes Belin

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