Pierre Havaux

Le bon élève flamand pris d’un malaise

Pierre Havaux Journaliste au Vif

L’enseignement flamand trahit quelques signes de faiblesse et ses forces vives ne cachent plus leurs états d’âme.

Souffrir d’un coup de mou sur un banc d’école, cela arrive même aux meilleurs. L’enseignement flamand trahit quelques signes de faiblesse et ses forces vives ne cachent plus leurs états d’âme. L’élève modèle de la classe belge, toujours mieux coté que son voisin francophone dans les classements internationaux, semble traverser une mauvaise passe. Il ne se passe plus une semaine sans que ses performances inspirent au nord du pays, au mieux des interrogations, au pire de vives inquiétudes.

Un record a chassé l’autre en 2018. Avec 240 332 inscrits pour l’année académique en cours, l’enseignement supérieur, surtout universitaire, cartonne en Flandre et jamais il n’avait encore enregistré une telle affluence. Mais avec un déficit officiel de 1 424 enseignants, 453 dans le fondamental et 971 dans le secondaire, l’école obligatoire déprime en Flandre et jamais encore elle n’avait connu une telle pénurie. Overdose d’étudiants dans les auditoires, hémorragie de profs dans les classes : les langues se délient par voie de presse pour pointer les sources d’un malaise à tous les étages.

A l’automne, ce sont des linguistes de la VUB qui en appelaient à un plan Marshall pour sauver l’apprentissage des langues étrangères : le Flamand ne serait plus vraiment le polyglotte qu’il fut. Fin de l’année, c’est une dégradation de la qualité de l’enseignement qui relance le débat. Des enseignants confessent alors une fâcheuse impression : l’école à laquelle ils se dévouent au quotidien est en train de reculer. Seize directeurs viennent même de déposer plainte auprès du commissariat flamand aux droits de l’enfant, estimant ne plus être en mesure de donner à la jeunesse l’enseignement à laquelle elle a droit.

Certains se prennent à regretter l’école qui visait l’excellence.  » Notre enseignement risque de virer vers ce qu’on veut éviter : la création de privilèges « , s’émeut le N-VA Joachim Pohlmann, chroniqueur au quotidien De Morgen. Le porte-parole de Bart De Wever a le coeur qui saigne à la vue de ces enfants qui rapportent à la maison des bulletins truffés de smileys, où ne figure plus la moyenne de la classe et où la cote la plus basse qui est infligée est de 9 sur 10. Gare : à force de gommer ainsi tout élément de comparaison,  » les élèves ne sont plus mis au défi « . En clair : que les meilleurs gagnent, sinon le nivellement finira par nuire à l’ascenseur social.

Le porte-parole de Bart De Wever a le coeur qui saigne à la vue de ces enfants qui rapportent à la maison des bulletins truffés de smileys, où la cote la plus basse est de 9 sur 10.

Et comme toujours quand un système se grippe, il faut désigner un coupable. Du supérieur au secondaire, du secondaire au primaire, du primaire au maternel,  » c’est toujours la faute du niveau d’enseignement précédent « , déplorent deux spécialistes en pédagogie dans une carte blanche publiée, le 7 janvier, dans De Standaard. Piet Van Avermaet (université de Gand) et Kris Van den Branden (KULeuven) ont un bon conseil à prodiguer à certains donneurs de leçons :  » Au lieu de culpabiliser l’enseignement secondaire, les universités feraient mieux de balayer devant leurs portes.  » D’oser réfléchir à la hauteur à laquelle elles placent la barre et de songer aux moyens de réduire l’inégalité devant les chances de succès qu’elles engendrent entre étudiants. L’enseignement flamand tangue, sous des vents contraires.

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