© VALENTIN BIANCHI/HANS LUCAS

Le bluff du PTB, c’est « Red is the New Green »

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

En campagne plus que jamais, les partis accommodent la réalité à leur propre sauce. Le Vif/L’Express n’est pas tout à fait d’accord. Voici pourquoi.

Durant sept semaines, focus sur un parti francophone en lice pour le scrutin du 26 mai prochain. Cette semaine: le PTB.

C’est une jolie brochure, pleine de couleurs et de colère. Stop au moteur bleu-vert, montez à bord de la locomotive rouge-verte. Elle fait 28 pages et fait alterner les gentils (Greta Thunberg, les étudiants et les élèves, le PTB, les jeunes manifestants souriants dans le train rouge) et les méchants (les multinationales, les riches Occidentaux, la droite, le type en limousine bleue qui fume le cigare en couverture), construisant un récit politique autour des manifestations pour le climat. Ce récit colle à la lutte des classes, moteur rouge de ce PTB rouge-vert, et la brochure sur laquelle il est imprimé a été distribuée à des dizaines de milliers d’exemplaires chaque jeudi et chaque dimanche de manif’ par Comac, l’organisation de jeunes du PTB.

Même si Marx avait, parmi les premiers, formulé l’hypothèse d’un capitalisme épuisant les ressources naturelles, les préoccupations écologistes sont assez neuves dans un parti historiquement forgé au feu de l’industrie lourde. C’est pourquoi le Parti du travail de Belgique les articule à son cadre dialectique matérialiste, ce qui n’est pas un problème en soi : des fondateurs de l’écologie politique comme André Gorz puisèrent eux aussi dans la pensée marxiste. Mais c’est aussi pourquoi le PTB manipule certaines réalités afin de les faire coller à tout prix à sa narration primitive, et c’est alors que survient le problème. Le moteur rouge-vert a parfois des ratés. Reprenons cette brochure.

D’abord, en sa très belle page 10, elle affirme à raison que les inégalités contribuent au dérèglement climatique, et vice versa. Elle ajoute que  » les 10 % les plus riches de la planète sont responsables de plus de la moitié de la pollution  » sans mentir apparemment mais en mentant par omission, pour poser que ce sont les riches qui devront faire les efforts les plus lourds. Il y a omission, donc bluff, donc mensonge, dès lors que parmi ces 10 % de la population dont parle la brochure se trouvent en fait ceux qui vont recevoir cette brochure : les 800 000 000 d’habitants les plus privilégiés de la planète vivent principalement en Occident, donc en Europe, donc en Belgique.

Ensuite, en sa tout aussi jolie page 12, la brochure affirme que  » 71 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1988 et 2015 étaient le fait de 100 grandes entreprises « . Ce n’est pas tout à fait vrai, comme l’a révélé le blog La Politique des faits, qui évoque  » deux grosses malhonnêtetés  » : d’une part, en considérant que  » la pollution liée aux énergies fossiles est 100 % de la responsabilité de l’entreprise qui a extrait le charbon ou le pétrole du sol, et que le consommateur final n’est en rien responsable « . D’autre part, et c’est encore plus piquant, que la majorité de ces émissions ne proviennent pas d’entreprises capitalistes, mais d’entreprises étatiques (Chine, Arabie saoudite, Russie, Iran, etc.). Comme quoi, derrière le new green se tapit encore un good old red.

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