Pour défendre qui, au juste ? © DR

Le bluff du PP, c’est « Dominants de gauche et dominés de droite »

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

En campagne plus que jamais, les partis accommodent la réalité à leur propre sauce. Le Vif/L’Express n’est pas tout à fait d’accord. Voici pourquoi.

Durant sept semaines, focus sur un parti francophone en lice pour le scrutin du 26 mai prochain. Cette semaine: le PP.

Ils sont partout ! La gauche et ses petits soldats dominent tout. Ils sont au pouvoir partout. Ils règnent sur les médias, ils dictent leur loi à l’université, ils font et défont les carrières dans la culture, ils organisent l’économie. Ils ont même contaminé toute la magistrature et colonisé les barreaux. Dans le catéchisme populaire, la gauche domine et régente. Elle impose. Ses serviteurs ? Les élites. Ses victimes ? Le peuple. Puisqu’il n’est pas de gauche, puisqu’il est populiste, Mischaël Modrikamen, ancien avocat d’affaires, et son parti, très libéral sur le plan économique, est donc celui qui défend le peuple contre les élites. Les secondes étant de gauche, le premier, nécessairement, doit être de droite.

Cette gymnastique populiste d’une lutte des classes inversée est douteuse sociologiquement, puisqu’elle dit reposer ses impulsions sur une entité, le peuple, que les sciences sociales peinent à définir. Mais si on s’accorde à considérer que les classes populaires comptent pour les moins dotées en capital économique, social et culturel, une définition sociologique du peuple devrait inévitablement inclure les chômeurs et les immigrés. Or, la rhétorique comme le programme du PP, pourtant  » le seul pour vous défendre « , en excluent les uns comme les autres : les chômeurs doivent travailler bénévolement pour pouvoir recevoir leur allocation, et les immigrés s’assimiler ou se barrer. Le Parti populaire est donc le seul parti qui vous défende, sauf si vous ne faites pas partie de ceux qu’il veut défendre.

Ceux qu’il veut attaquer, de leur côté, ne le sont pas sur des bases analytiques plus stables. Passons sur une définition de la gauche qui, comme elle ne considère que les questions migratoires, aboutit à ranger les grandes organisations patronales, toutes favorables à l’immigration économique, de ce côté-là de l’échiquier politique. Mais ne passons pas sur la catégorisation, en Belgique francophone même, des  » médias mainstream  » comme les soutiers de la gauche hégémonique. La qualification doit faire franchement rire les éditeurs de La DH, de La Libre, de L’Echo et de Sud Presse par exemple, dont l’hostilité aux syndicats est presque proverbiale. Elle énervera ces mêmes syndicats et les deux partis, PTB et PS, qui s’assument et se concurrencent sur la gauche, et qui se plaignent, en miroir de la pensée modrikamenienne, de la  » pensée unique  » de médias à l’inconscient, voire à la ligne, libérale, en tous les cas antisocialiste et anticommuniste.

Ne passons pas non plus sur un autre péril, dénoncé à longueur de colonnes dans Le Peuple et très moyennement existant : le danger islamo-gauchiste, porté un peu par la presse mais surtout par trois partis, le PS, le PTB et Ecolo, dont aucun n’est aujourd’hui au pouvoir hormis le PS à la Région bruxelloise. Le PS serait islamo-gauchiste, lui qui insistait, après les attentats de Paris et Bruxelles, pour inscrire la laïcité dans la Constitution. Le PTB serait islamo-gauchiste, lui qui module son discours selon qu’il s’adresse aux petits blancs et aux petits bruns. Ecolo serait islamo-gauchiste, lui si proche depuis toujours des chrétiens sociaux, et qui refuse de se dire de gauche. Des trois, personne n’est islamique et un n’est pas de gauche, mais tous seraient islamo-gauchistes. Le PP, lui, est presque le seul pour défendre cette drôle d’idée.

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