Le gouvernement belge à Londres : Albert de Vleeschauwer, Hubert Pierlot, Paul-Henri Spaak, Camille Gutt (de g. à dr., février 1942). © Collection Cegesoma - Bruxelles - 32532

Le 8 septembre 1944, le sinistre retour des ministres londoniens

Le jour de gloire est arrivé ! Moins d’une semaine après la libération de Bruxelles, le gouvernement retrouve la capitale. Pendant la guerre, son rôle a été déterminant : menant le combat depuis la Grande-Bretagne, il a permis à la Belgique de rester dans le camp des Alliés.

Et pourtant, le retour se déroule dans une profonde indifférence. Pis : dans un climat de vague hostilité. Pourquoi ? Essentiellement pour trois raisons. La première est la moins fondamentale : le retour du gouvernement n’a pas été officiellement annoncé au pays. La Belgique logistique est encore en guerre, les canaux de communication sont largement défaillants. Lorsqu’ils atterrissent à Evere, les ministres sont contraints de se hisser dans un fourgon pour gagner le centre-ville. Rue de la Loi, une petite foule finit par se constituer. Emergeant au balcon de son ministère des Affaires étrangères, Paul-Henri Spaak lâche un vague  » Vive la Belgique « . Avant de s’en aller. Assurément, les formes ne sont pas respectées.

Deuxième raison : les Belges ont déjà leurs héros. Le dimanche 3 septembre, en fin de journée, la division des Gardes britannique entrait dans la capitale. Le déferlement de joie était impressionnant, toute la population se trouvait dans la rue. Tandis que les demoiselles s’amourachaient, les plus jeunes grimpaient sur les blindés. Les vedettes, ce sont ces soldats, dont les poches débordent de biscuits et de chocolats. Des icônes autrement plus séduisantes que celles offertes par les résistants, les déportés ou les exilés – tout ministres qu’ils puissent être.

Troisième élément : les Belges qui ont vécu la guerre à Londres sont plutôt mal vus de ceux qui sont restés à Bruxelles. Les premiers se seraient mis à l’abri des Allemands et des privations, tandis que les seconds auraient manqué de tout et quotidiennement mis leur vie en danger. Les ministres sont particulièrement visés. En mai 1940, de manière peu glorieuse, ils ont fui le pays, cherchant leur salut en France. Puis, en juin, ils ont craint – et même cru à – la défaite alliée. Avant que certains d’entre eux trouvent refuge en Angleterre. Plus que des héros, ce sont des planqués. Surtout, et ce n’est pas faux, on les accuse d’être déconnectés du pays réel.

Or, ce pays va mal. A tous niveaux : question royale, ravitaillement, dégâts matériels, répression des inciviques, rapatriements… Les défis sont partout. Sans oublier que la guerre n’est pas finie !  » Nous nous débattons ici dans un ensemble de difficultés vraiment effroyables « , constate Spaak quelques mois après son retour.  » C’est bien […] la période la plus difficile de ma vie.  »

Avec le temps, la plupart des ministres parviendront à rebondir, tels un Spaak ou un de Schryver. Brillante exception : Hubert Pierlot. Victime de son antiléopoldisme, le premier des Londoniens est écarté des cadres du Parti social-chrétien. Sans égards pour cet homme qui aura largement permis de préserver le crédit de la Belgique durant la guerre.

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