Peter Van Rompuy

Le 21e siècle sonne-t-il le glas de la démocratie?

Peter Van Rompuy Député flamand CD&V

« Les libertés démocratiques dans le monde subissent une pression importante, et sur trois flancs différents », écrit Peter Van Rompuy (CD&V).

Cette semaine, le Parti communiste chinois a annoncé que pour la première fois depuis Mao un président chinois restera au pouvoir pendant plus de dix ans. Il y a quelques années, cela aurait assurément entraîné un flux de réactions critiques de la part des dirigeants occidentaux. Étonnamment, ils n’ont rien dit. La prolongation illimitée du mandat d’un des hommes les plus puissants du monde marque pourtant un tournant historique. Les autocraties progressent, alors que les démocraties sont de plus en plus sous pression. Les libertés démocratiques dans le monde subissent une pression importante, et sur trois flancs différents

Les régimes autocrates sont de moins en moins libres

Premièrement, les régimes autocratiques sont de moins en moins libres. Pensez au durcissement de la censure de la presse par Poutine, à la restriction du pouvoir judiciaire par Erdogan ou au culte de la personnalité autour de Xi Jinping. Après la chute du Mur en 1989, le politologue Francis Fukuyama avait pourtant prédit « la fin de l’histoire », la victoire de l’Occident annoncerait l’ère de la démocratisation mondiale. Les libertés économiques occidentales sont avidement reprises par des pays comme la Russie et la Chine, mais les libertés politiques n’ont pas connu le même succès. La liberté économique n’est plus une garantie de liberté politique, mais plutôt un os à ronger pour le manque total de liberté politique! Ces dernières années, nous constatons que les autocrates n’optent plus pour une démocratisation progressive (perestroïka), mais s’attirent plus de pouvoir et se heurtent à peu de résistance et de révolte.

Le monde compte de moins en moins de démocraties

Deuxièmement, le monde compte de moins en moins de démocraties. Depuis 2000, le nombre de démocraties a même baissé de 25 pays ! Suite à la crise du crédit, l’Occident a perdu beaucoup de son pouvoir économique et donc aussi de son attraction politique. Le printemps arabe n’a rapporté qu’une seule nouvelle démocratie : la Tunisie. En Russie, en Turquie et au Venezuela, les élections sont à ce point manipulées qu’elles ne peuvent plus être qualifiées de « libres, justes et démocratiques ».

Les démocraties menacées de l’intérieur

Troisièmement, les démocraties sont menacées de l’intérieur. D’une part par des extrémistes, qui veulent renverser la démocratie par la violence. D’autre part par des populistes qui sapent les libertés de citoyens. Le fait que la prolongation du mandat de Xi Jinping ne soit pratiquement pas critiquée découle aussi de la faiblesse du contre-pouvoir démocratique par excellence, les États-Unis. Sous Donald Trump, les États-Unis ne sont plus le « leader du monde libre ». Il est le premier président américain depuis la Seconde Guerre mondiale à visiter l’Europe sans reconfirmer l’article 5 du traité de l’OTAN (‘an attack on one is an attack on all’). Trump préfère armer des enseignants dans les écoles que de prendre fait et cause pour l’Occident. Sa sympathie publique pour les leaders autocrates tels que Vladimir Poutine est alarmante pour l’avenir de la démocratie. La situation actuelle du monde rappelle peu à peu les années avant 1914. À cette époque, personne ne pouvait s’imaginer que les dirigeants du monde « éclairé » se précipiteraient dans un conflit militaire. En 2018, nous devons constater que Trump, Poutine et Kim Jong Un ne craignent même plus la surenchère nucléaire.

Une île de démocratie: l’Union européenne

Au milieu d’un monde gouverné par les autocrates et les populistes, l’Union européenne ressemble de plus en plus à une île de démocratie. À toutes les frontières de l’Europe, la démocratie est menacée. À l’Est, roulent les tanks de Poutine. Au Sud, la Syrie et la Libye tombent au rang de « failed states ». À L’Ouest, l’Europe est confrontée à une instabilité politique provoquée par le Brexit et Trump. Mais au sein de l’UE aussi, les populistes s’emparent du pouvoir absolu, tel qu’en Hongrie et en Pologne. C’est au point qu’aujourd’hui ces pays sont qualifiés de « démocraties non libres ». Nous ne réalisons pas assez que la démocratie est « aussi fragile que l’oeuf de Fabergé ». En 1945, le monde ne comptait que 30 démocraties sur 200 pays. La démocratie sous sa forme actuelle est plus récente que ce que beaucoup de gens soupçonnent.

Pour détourner la triple attaque contre la démocratie, nous devons oser regarder les causes en face. Les démocraties européennes doivent montrer qu’elles sont capables de mieux s’adapter aux nouveaux défis. Le niveau de vie des Européens doit visiblement progresser. Pour cela, les bénéfices du libre-échange doivent aller davantage vers la classe moyenne qui travaille et la société civile et pas seulement aux multinationales. Il faut réparer la mobilité sociale en investissant davantage en enseignement et en formation. Et il faut surveiller les frontières extérieures européennes pour maîtriser la migration illégale.

L’avenir de la démocratie sera européen, ou ne sera pas

Le paradoxe de l’histoire c’est que depuis la victoire de Trump, la confiance des Européens en l’UE n’a pas faibli, mais qu’elle s’est (clairement) renforcée. La victoire de Macron contre Le Pen est le signe le plus marquant qu’il reste de l’espoir. Les gens réalisent à nouveau que c’est un privilège de vivre dans l’une des rares démocraties stables que le monde compte encore, à savoir l’Union européenne. À présent, que nous ne pouvons pas compter sur les États-Unis, nous devons en tant qu’Européens prendre notre sort entre nos mains. Il n’y a pas si longtemps, Amartya Sen a encore qualifié la montée de la démocratie de « développement principal du 20e siècle ». La survie de la démocratie dépend plus que jamais de l’Europe. L’avenir de la démocratie sera européen, ou ne sera pas.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire