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Le 1er mars 2004, le procès Dutroux s’ouvrait

Le Vif

Dix ans après le procès de Marc Dutroux et consorts, les parties civiles ont emprunté des chemins différents. Certains ont définitivement quitté la scène médiatique, d’autres se sont lancées en politique et la plupart continuent à se battre contre les demandes de libération conditionnelle de Marc Dutroux, Michel Lelièvre et Michelle Martin.

Les parties civiles de l’affaire Dutroux en quête de normalité Les événements judiciaires perturbent ponctuellement leur volonté de passer à autre chose. En août 2012, plus de 5.000 personnes ont participé à une marche pour réclamer une réforme de la Justice, à l’appel de Jean-Denis Lejeune, le père de Julie. Cette action intervenait neuf jours avant la validation par la Cour de cassation de la libération conditionnelle de Michelle Martin, l’ex-compagne de Marc Dutroux. Laetitia Delhez et Paul Marchal, le père d’An, étaient également présents.

Jean-Denis Lejeune s’est fortement investi dans la vie citoyenne et politique depuis la disparition de sa fille. Il a notamment participé à la fondation de Child Focus, a rejoint le service communication de la Délégation générale aux Droits de l’Enfant et a créé l’asbl Objectif Ô. En 2010, candidat sur la liste cdH à la Chambre, il a obtenu 13.709 voix de préférence. Il pourrait à nouveau figurer sur les listes lors des prochaines élections. Jean-Denis Lejeune est par ailleurs collaborateur au cabinet du secrétaire d’Etat Melchior Wathelet (cdH) et a été élu conseiller communal à Flémalle en octobre 2012. Il a divorcé de son ex-épouse Louisa et a refait sa vie. Il est papa d’une petite fille depuis un an.

Gino Russo, le papa de Mélissa, très présent dans les médias pendant plusieurs années, s’est progressivement éloigné de la scène médiatique. Délégué syndical SETCA, il a récemment fait son retour sur les plateaux de télévision pour défendre les ouvriers d’ArcelorMittal, menacés de perdre leur emploi après la fermeture de plusieurs sites. Il fait désormais partie de la cellule de reconversion de l’entreprise et accompagne les travailleurs licenciés. Pressenti pour figurer sur les listes du PTB, Gino Russo a démenti et ne participera donc pas aux élections de mai prochain.
Son épouse Carine s’est également essayée à la politique. Candidate sur les listes Ecolo en 2007, la maman de Mélissa a obtenu 57.747 voix et est devenue sénatrice cooptée. Elle a ensuite quitté son siège au Sénat en septembre 2009, déçue par la vie politique et en raison de problèmes de santé.

Paul Marchal, le père d’An, a créé son propre parti en 1999, le PNPb, mais n’a pas été élu. Jean Lambrecks, le père d’Eefje, est lui présent à chaque audience du tribunal de l’application des peines concernant les demandes de libération de Marc Dutroux.

Les deux victimes de Marc Dutroux toujours en vie, Sabine Dardenne et Laetitia Delhez, ont également essayé de retrouver une vie « normale ». Sabine, aujourd’hui âgée de 30 ans, a publié un livre intitulé « J’avais 12 ans, j’ai pris mon vélo et je suis partie pour l’école ». A 32 ans, Laetitia Delhez est devenue la mère de quatre jeunes enfants et est mère au foyer.

Une décennie de procédures judiciaires pour les condamnés Depuis leur condamnation en 2004, les quatre condamnés du procès Dutroux n’ont jamais quitté l’actualité judiciaire. Hormis Michel Nihoul, étranger à la mort des enfants selon la justice et libéré dès 2006, Marc Dutroux, Michelle Martin et Michel Lelièvre sont devenus des habitués des audiences du tribunal de l’application des peines (TAP), créé en 2007. Michelle Martin a retrouvé la liberté sous conditions en août 2012 tandis que Marc Dutroux et Michel Lelièvre multiplient les procédures.

Le 22 juin 2004, après 17 semaines d’audience, la cour d’assises d’Arlon a condamné Marc Dutroux à la réclusion à perpétuité, la peine la plus sévère. Elle a également prononcé sa mise à disposition du gouvernement pour une durée de 10 ans, compte tenu de la multiplicité et de la gravité des faits, de ses antécédents judiciaires, de sa persistance dans la délinquance ainsi que de sa dangerosité pour la société. Michelle Martin, son épouse, a été condamnée à 30 ans de prison et leur complice Michel Lelièvre à 25 ans d’emprisonnement.

Michel Nihoul, blanchi pour tous les faits liés aux enlèvements d’enfants, a lui écopé d’une peine de 5 ans d’emprisonnement pour trafic de drogue et association de malfaiteurs. La commission de libération conditionnelle l’a autorisé à quitter la prison de Saint-Gilles en avril 2006, moins de deux ans après la fin du procès. Agé de 72 ans, il réside désormais à la Côte belge. Il a fondé une asbl d’aide aux justiciables en 2009 et a également publié un livre autobiographique intitulé « Taisez-vous! ». Il a par ailleurs introduit plusieurs actions judiciaires, notamment une plainte pour calomnie contre Marc Verwilghen, l’ancien président de la commission parlementaire.

Condamnée pour association de malfaiteurs impliquée dans les enlèvements et les séquestrations d’enfants, séquestrations, tortures et pour avoir participé au viol d’une jeune Slovaque, Michelle Martin a quitté la prison en août 2012, après 16 ans de détention. Le TAP de Mons a finalement décidé qu’elle était libérable sous conditions. A 53 ans, l’ex-compagne de Marc Dutroux réside au couvent des Clarisses, à Malonne, où son arrivée a suscité de vives réactions. Mais les soeurs Clarisses auraient décidé de déménager cette année et le TAP devra alors réévaluer sa situation.

Les demandes de libération de Michel Lelièvre ont jusqu’à présent toujours été refusées. Incarcéré pour association de malfaiteurs impliquée dans les enlèvements et les séquestrations d’enfants, enlèvements et séquestrations ainsi que pour trafic de drogue, il remplit depuis huit ans les conditions de libération conditionnelle après avoir purgé un tiers de sa peine. En juin 2013, le TAP de Bruxelles lui a accordé cinq permissions de sortie pénitentiaire en guise de préparation et de test à une éventuelle détention limitée. Il souhaitait suivre une formation en menuiserie mais l’association a finalement décidé de faire marche arrière en raison de la pression médiatique.
Le TAP a donc constaté que la demande de Michel Lelièvre, 42 ans, ne correspondait plus aux conditions de détention limitée. Il pourra à nouveau soumettre une demande de libération conditionnelle en juin 2014.

Une future libération de Marc Dutroux semble par contre très difficile. Sa mise à disposition du gouvernement durant 10 ans signifie que, même si sa libération est ordonnée par le TAP, le ministre de la Justice dispose d’un droit sur son maintien en détention. Reconnu coupable d’assassinats, d’association de malfaiteurs impliquée dans les enlèvements d’enfants, de séquestrations, de viols avec tortures et de trafic de drogue, Marc Dutroux ne baisse pourtant pas les bras. En février 2013, le TAP de Bruxelles a rejeté sa demande de port de bracelet électronique à cause de l’absence de perspective de réinsertion sociale.

Depuis le 30 avril 2013, l’homme de 57 ans réunit les conditions pour demander sa libération conditionnelle. Mais des subtilités juridiques ont pour le moment reporté la décision du TAP de Bruxelles. En janvier, le tribunal a décidé de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle concernant cette demande de libération conditionnelle. L’avocat de Marc Dutroux conteste l’augmentation du nombre de magistrats statuant pour certaines catégories de condamnés.

La Cour devra donc examiner une éventuelle violation de la constitution par la loi du 17 mars 2013 et devrait rendre sa décision à la fin de l’année. La procédure est suspendue dans l’attente de l’arrêt.

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