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Laurette Onkelinx, Didier Reynders, Olivier Maingain… Génération Expo 58

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Le point commun entre Didier Reynders, Laurette Onkelinx et Olivier Maingain ? Tous trois sont nés pendant l’Expo 58. Ils nous racontent ce que représente pour eux ce moment clé de l’histoire du pays.

Etre né pendant l’Expo 58, cela a pour vous une signification particulière ?

– Laurette Onkelinx : Avoir pour date de naissance l’année de l’Expo universelle n’est pas anodin. Outre Didier Reynders, Olivier Maingain et moi, Rudi Vervoort et le ministre régional Guy Vanhengel appartiennent, eux aussi, à la  » génération 58  » (NDLR : tous sont nés pendant l’Expo, sauf le ministre- président bruxellois, né peu après sa fermeture). L’image que je retiens de cet événement est celle d’une fête joyeuse qui a duré six mois. Dans une vision idyllique du monde, on imaginait qu’il allait ressembler à ce qui était montré au Heysel. Les Belges semblaient confiants dans l’avenir. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.

– Didier Reynders : Comme celle de Laurette Onkelinx, ma famille habitait la région liégeoise, mais elle s’est bien sûr rendue à l’Expo. L’époque est celle du retour à la joie de vivre, à une forme d’insouciance. C’est le temps du plein emploi. Mais pas de nostalgie à avoir : la Belgique a continué à se développer par la suite, même si elle s’est fait dépasser économiquement par des nations émergentes.

– Olivier Maingain : Mon père, Roger Maingain, s’est beaucoup investi dans l’Expo. Il était fonctionnaire au ministère des Affaires économiques. A ce titre, il a été associé à l’organisation d’événements et à l’accueil des délégations étrangères. Chargé de la promotion de la Belgique, il disposait d’un libre accès permanent au site.

Vitrine des Trente Glorieuses, l’Expo 58 constitue-t-elle un tournant dans l’évolution des mentalités ?

– Olivier Maingain : Mon père considérait 1958 comme une période de libération, à tous points de vue. La Belgique a alors vécu son Mai 68 avant l’heure.

– Laurette Onkelinx : C’est un moment magique ! La Belgique est sortie de l’après-guerre. L’Expo 58 symbolise une fierté retrouvée et un nouvel élan vers la modernité et le progrès. La Question royale, qui a fortement touché le pays, est résolue depuis 1950. Après sept ans de conflits et des mois de négociations, la  » guerre scolaire « , l’autre grand débat entre catholiques et laïques, s’achève en 1958.

– Didier Reynders : 1958, c’est l’Expo universelle, et c’est aussi la naissance des Schtroumpfs, qui apparaissent dans une aventure de Johan et Pirlouit. Soixante ans plus tard, les lutins bleus de Peyo sont, à l’instar de la famille royale, mis à contribution pour promouvoir la candidature belge à un siège non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2019-2020. L’élection aura lieu le 8 juin prochain. Il convenait de rendre aux Schtroumpfs une identité belge car, à la différence de Tintin, ils ne sont pas clairement identifiés comme des héros belges.

Grâce à l’Expo 58, Bruxelles a son totem, l’Atomium, qui n’était pas destiné à survivre à l’événement. Une chance pour la capitale ?

– Laurette Onkelinx : Quel bonheur de voir l’Atomium briller d’un nouvel éclat depuis 2006 ! Le chantier de rénovation a duré vingt-deux mois, financé notamment par le fédéral via l’accord Beliris de coopération avec la Région bruxelloise. Alors ministre en charge de Beliris, j’ai eu la chance de présider à cette rénovation, qui prévoyait notamment le renouvellement de la  » peau  » des sphères, le nettoyage de la structure et la reconstitution de l’éclairage extérieur tel qu’il existait en 1958. Longtemps, j’ai ignoré que l’Atomium représentait une molécule cristalline de fer. Je pensais que les boules symbolisaient les provinces du pays !

– Olivier Maingain : Beaucoup l’ignorent, mais l’Exposition universelle ne nous a pas laissé que l’Atomium. Ainsi, dans ma commune trône, le long du boulevard de la Woluwe, le lion rugissant de Raymond de Meester, sculpture monumentale qui figurait dans l’Expo. Des communes ont hérité de locaux qui se trouvaient au Heysel et qui sont devenus des pavillons scolaires.

– Didier Reynders : L’Atomium est, aujourd’hui, l’un des rares symboles forts de la capitale, sa sculpture emblématique. Ce qui manque le plus à Bruxelles, c’est un nouveau projet de grande ampleur, qui marquerait l’espace urbain. Certes, nous avons, dans le quartier européen, le Berlaymont rénové, bâtiment principal de la Commission, et l’immeuble Europa, siège des sommets de l’Union. Le palais des Congrès de Bruxelles, construit en 1958 à l’occasion de l’Expo, a été rénové et agrandi, pour devenir Square. Mais, en tant que ministre chargé de Beliris, je suis ouvert à l’idée qu’on tente de refaire un geste architectural fort à Bruxelles, comme l’Atomium.

Les boulevards de Bruxelles transformés en « autoroutes urbaines » ne sont-ils pas un sombre héritage de l' » esprit 58  » ?

– Laurette Onkelinx : Le visage de la capitale, appelée à devenir une ville internationale, a radicalement changé à cette époque. Avec les conséquences que l’on sait : les tunnels, les viaducs, les autoroutes urbaines… Ces travaux n’ont pas suscité de grandes controverses à l’époque.

– Olivier Maingain : Le rêve d’une ville moderne à l’américaine a transformé Bruxelles. La voiture est devenue le mode de déplacement privilégié. Les habitants en quête d’espace ont pu s’évader de la ville. L’exode des classes moyennes s’est accéléré. Il faut attendre la  » bataille de la Marolle « , en 1969, pour qu’apparaissent les premières réactions populaires aux choix politiques.

– Didier Reynders : Les grands travaux entrepris à Bruxelles en vue de l’Expo ont laissé des traces épouvantables. Dans la foulée de la jonction Nord-Midi, on a continué à beaucoup détruire, à faire disparaître la ville ancienne. Mais je constate aussi qu’un grand rendez-vous tel que l’Expo mobilise les énergies pour faire avancer les projets urbanistiques et de mobilité. La Belgique était, en duo avec les Pays-Bas, candidate à l’organisation de l’édition 2018 de la Coupe du monde de football. Si notre pays avait été désigné comme pays hôte, et non la Russie, la date butoir de 2018 nous aurait poussés à édifier et à rénover des stades de football et à accélérer la mise en place de nouvelles infrastructures de transport. Voyez ce qu’il advient aujourd’hui du projet de stade national, finalement abandonné, et le temps qu’il faudra pour créer la nouvelle ligne de métro Nord. En décrochant l’organisation des Jeux olympiques de 2024, Paris est entré dans une dynamique qui légitime le déploiement accéléré de nouvelles infrastructures. Bruxelles devrait s’inspirer de cet exemple et se lancer un nouveau défi.

Nés en 1958

– 10 juin : Guy Vanhengel (Open VLD), ministre des Finances de la Région bruxelloise, né à Bruxelles.

– 3 août : Olivier Maingain, président de DéFI depuis 1995, député fédéral, bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert depuis 2006, né à Woluwe-Saint-Lambert.

– 6 août : Didier Reynders (MR), ministre des Affaires étrangères et européennes depuis 2011, né à Liège.

– 2 octobre :Laurette Onkelinx (PS), députée fédérale, née à Ougrée.

– 20 novembre :Rudi Vervoort (PS), ministre-président de la Région bruxelloise depuis 2013, né à Berchem-Sainte-Agathe.

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