Alda Greoli : " Pour moi aussi, le livre doit rester cet objet qui rend le rapport à la pensée concret. " © BRUNO FAHY/BELGAIMAGE

Laisse-t-on mourir les éditeurs? « Je ne me sens pas visée », répond Alda Greoli

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

La lettre ouverte de Christian Lutz lui étant directement adressée, nous avons sollicité la réaction d’Alda Greoli. La ministre de la Culture se défend, point par point.

Sur le refus de subvention à Samsa

 » Je ne veux pas aborder la question des subventions à l’édition via le cas personnel d’un éditeur qui peut, s’il l’estime justifié, introduire un recours contre notre décision. La justification de mon administration, selon laquelle une subvention ne peut servir à éponger des dettes, est objective. Et le dossier de Samsa a été géré dans les mêmes délais que l’ensemble des éditeurs. De manière générale, le budget annuel de la Communauté française consacré aux éditeurs s’élève à 700 000 euros, auxquels il faut ajouter le soutien financier aux éditeurs qui vont à la Foire du livre. Le niveau global des subventions n’a pas diminué. Il n’est donc pas question d’économies. Au contraire.  »

Sur la santé du marché du livre belge

 » C’est vrai, on a constaté la disparition de quelques éditeurs, ces dernières années. Ils sont aujourd’hui 14 en Belgique francophone. Mais de nouveaux sont arrivés, comme les éditions OnLit, qui ont publié l’excellent roman Rosa de Marcel Sel. Cela dit, les chiffres selon lesquels le marché global du livre a diminué (NDLR : de 19 % entre 2010 et 2017) sont à relativiser, car la production des livres a explosé en général et le nombre de livres belges publiés n’a pas augmenté dans les mêmes proportions.  »

Sur la disparition des libraires

Selon le syndicat des indépendants (SNI), trois libraires ont fermé boutique en moyenne chaque semaine, entre 2016 et 2017.  » Ici aussi, il faut relativiser, réagit Alda Greoli. Ces chiffres englobent tous les libraires, y compris les points presse qui vendent surtout des journaux. Il n’existe pas de chiffres qui font la différence avec les libraires qui ne vendent que des livres. Cela dit, je rappelle que nous avons mené et remporté le combat sur le prix unique du livre (NDLR : appliqué depuis début 2018), en association avec les libraires, qui le demandaient depuis des décennies. Quant au système de retour des livres et des offices pointé par Christian Lutz, je pense que la pratique va évoluer avec l’instauration du prix unique, justement.  »

Sur l’accusation d' »autodafé » par le politique

 » Outre les éditeurs, un budget de 250 000 euros est alloué aux libraires et 900 000 aux auteurs via des bourses littéraires. Vu toutes les mesures que j’ai prises pour les différents niveaux de la chaîne du livre, je ne me sens pas du tout visée. Pour moi aussi, le livre doit rester cet objet qui rend le rapport à la pensée concret. Raison pour laquelle, en tant que ministre de l’Enfance, j’ai fait en sorte que chaque enfant reçoive un livre à sa naissance, sachant que son premier contact avec le livre sera de le toucher. « 

Sur les livres à l’école

 » Il est crucial qu’il y ait des livres à l’école. Ici également, des budgets sont prévus. En outre, le prix unique favorise l’acquisition de livres par les écoles et les bibliothèques. Mais il faut également vivre avec son temps et favoriser le rapport à l’électronique à l’école.  »

Sur l’idée de détaxer les écrivains comme en Irlande

 » Cela ne dépend pas de mon niveau de compétence mais du fédéral qui gère le droit d’auteur et le statut des artistes. La réflexion doit s’inscrire dans celle, plus large, de l’avenir de la sécurité sociale dont la pérennité ou la remise en cause sera l’enjeu de la prochaine législature, pour toutes les catégories de la population, y compris les artistes.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire