La Wallonie flingue-t-elle son industrie de la défense ?
Le gouvernement wallon a adopté jeudi l’avant-projet de réforme de la procédure d’octroi des licences d’armes. Un dossier sensible depuis que des armes wallonnes auraient été utilisées lors de la répression sanglante de la révolte libyenne. Quoi qu’il en soit la réaction du secteur ne s’est pas fait attendre.
Le projet de décret institutionnalise la « Commission d’avis sur les licences d’exportations d’armes », composée d’experts désignés par le gouvernement pour l’analyse géopolitique, éthique et économique des dossiers.Y participeront notamment un représentant des Affaires étrangères et le Délégué à Genève pour les Organisations internationales et les questions bilatérales (droits de l’Homme). La confidentialité sera de mise. La licence sera refusée si le pays de destination est sous embargo.
Des mesures plus contraignantes sont imposées lors de la première demande d’exportation d’une entreprise dans un pays ayant été soumis à un embargo qui a pris fin moins de 12 ans avant l’introduction de la demande, ou dans un pays qui ne figure pas dans la liste des pays soumis à la procédure accélérée, ou encore lorsque le gouvernement a refusé à l’entreprise l’octroi d’une licence vers le même destinataire au cours des deux années précédant l’introduction de la demande, et enfin dans un pays au sein duquel un coup d’Etat a eu lieu au cours des deux années précédant la demande.
Une procédure accélérée d’octroi de la licence est organisée pour les exportations vers, notamment, les pays faisant partie de l’UE, de l’Otan, et de l’Espace économique européen (EEE) ainsi que pour « certaines opérations spécifiques ».
un accord qui clôt une longue polémique La polémique a commencé en novembre 2009, après la suspension par le Conseil d’Etat de la licence d’exportation vers la Libye accordée à la FN Herstal. La guerre civile qui a éclaté dans ce pays en février dernier et a mené à la chute de Mouammar Kadhafi, en octobre, lui a donné un nouvel élan. Les armes étaient en effet destinées à la 32ème brigade des forces d’élite de l’armée libyenne, dirigée par Khamis, l’un des fils du dictateur.
Le gouvernement Olivier a accouché dans la douleur de deux projets de réforme qui, à chaque fois, ont été combattus par le secteur. L’un des points qui suscitait son hostilité était celui de l’autorisation préalable requise dans certains cas sensibles avant la signature d’un contrat voire l’ouverture de négociations. Les partisans de cette mesure voulaient éviter que le gouvernement ne soit mis devant le fait accompli et contraint d’accorder une licence parce qu’un contrat était signé ou que la production avait commencé, comme ce fut le cas pour la Libye et, en 2004, pour la Tanzanie. C’est vers ce pays que l’entreprise New Lachaussée avait exporté une ligne de production de munitions. Ses détracteurs estimaient qu’une telle obligation allait affaiblir la position concurrentielle des entreprises wallonnes.
Un arrêt de mort pour le secteur ?
Le gouvernement wallon a signé l' »arrêt de mort » du secteur de l’industrie de défense et de sécurité installée en Wallonie et de ses 15.000 emplois en adoptant jeudi l’avant-projet de réforme de la procédure d’octroi des licences d’exportation d’armes, ont affirmé plusieurs organisations patronales et syndicales sectorielles et interprofessionnelles.
« Après avoir reçu les partenaires sociaux la semaine dernière pour un simulacre de concertation, il approuve aujourd’hui un texte proprement imbuvable qui signe l’arrêt de mort du secteur. Il prévoit, entre autres, d’interdire aux usines la mise en production d’une commande avant d’avoir reçu une licence d’exportation », dénoncent ces organisations (Agoria, BSDI, UWE, MWB-FGTB, FGTB wallonne, SETCA, CSC METEA, CSC wallonne, CNE) dans un communiqué. « Le gouvernement wallon entend-il placer des commissaires dans chacune des entreprises wallonnes du secteur pour faire respecter son diktat? « , s’interrogent-elles, en estimant que l’équipe du ministre-président Rudy Demotte « a définitivement perdu tout bon sens commun ».
Selon ces organisations, « la situation est telle que pour la première fois dans l’histoire industrielle de notre pays, patrons et syndicats ont lancé en mai dernier un appel commun aux politiques wallons pour faire entendre leur voix ».
Elles soulignent qu’il est bel et bien question de la survie d’un secteur d’activités porteur pour la Wallonie et surtout, des 15.000 emplois directs et indirects qu’il représente. « Le gouvernement wallon, sur les points essentiels, n’a rien voulu entendre des arguments de l’industrie pour sortir finalement des textes impraticables et tout à fait incompatibles avec la réalité économique du secteur sécurité et défense. Ils imposent des obligations à nos entreprises qui de facto les mettent en position de faiblesse par rapport à des groupes étrangers, même européens », a souligné l’administrateur délégué de l’Union wallonne des Entreprises (UWE), Vincent Reuter, cité dans le communiqué.
LeVif.be avec Belga
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