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La victoire de la ligne gauchiste Magnette – Onkelinx

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La finalisation de l’accord wallon, après le bruxellois, consacre le choix des partisans du cap à gauche au sein du PS. Le ressac du 25 mai dernier a été un incitant à cette conquête rapide du pouvoir régional. Avec, en parallèle, une crainte de l’effet néfaste d’une reconduction de Di Rupo au Seize.

Fumée blanche à Namur. Avec la présentation de l’accord de majorité wallon ce vendredi en fin d’après-midi, quatre jours après celle de l’accord bruxellois, le PS réalise un sans-faute. Six semaines après les élections du 25 mai dernier, il a mis en place des majorités « cohérentes » au Sud du pays, avec le CDH et le FDF. Cap à gauche, toute. Pendant ce temps, les négociations que l’on imaginait faciles entre la N-VA et le CD&V en Flandre coincent et l’informateur royal Charles Michel ne travaille toujours pas sur une piste claire au fédéral, où la crise pourrait se prolonger.

Cette concrétisation rapide montre la force de frappe de la machine PS, qui a rapidement profité de son statut préservé de premier parti en Wallonie et à Bruxelles en dépit d’un ressac électoral significatif. C’est, aussi et surtout, la victoire de la ligne claire imposée par les deux chefs de négociations, Laurette Onkelinx et Paul Magnette. Tous deux avaient annoncé avant les élections qu’ils privilégieraient des majorités progressistes si cela était arithmétiquement possible, ils ont tenu parole en contournant la débâcle d’Ecolo et en ignorant la progression du MR.

Trois moteurs ont soutenu la démarche de Magnette et Onkelinx, qui prennent de la sorte le pouvoir au sein de leur parti, quitte à mettre sur la touche Elio Di Rupo.

Premièrement, et c’est le discours officiel, ils concrétisent la « nouvelle Belgique » et profitent du large degré d’autonomie concédé aux Régions par la sixième réforme de l’Etat. Chaque niveau de pouvoir fonctionne selon sa logique propre et peut mettre en oeuvre la majorité qui lui convient le mieux au sein de son assemblée, sans se soucier de l’impact que cela peut avoir sur les autres niveaux de pouvoir. Et tant pis si certains, y compris dans les rangs du PS, estimaient que les (lourds) défis de l’heure à Bruxelles et en Wallonie, couplés aux conséquences de la réforme de l’Etat, nécessitaient une tripartite PS-CDH-MR ou, à tout le moins, un couple PS-MR, pour obtenir le soutien de toutes les forces vives au développement de ces deux Régions. Ici, des frustrations risquent de peser lourd.

Deuxièmement, et même si les principaux intéressés le nient, deux peurs paniques ont précipité les choses. D’une part, la crainte de voir la N-VA et le MR manoeuvrer pour exclure les socialistes de tous les niveaux de pouvoir a convaincu le PS d’avancer à pas rapides. L’occupation du pouvoir reste un ciment pour cette formation qui l’occupe sans interruption depuis vingt-cinq ans. D’autre part, la défaite électorale – relative, certes, mais il s’agit d’une défaite quand même – du PS au Sud nécessitait une réaction rapide et idéologiquement claire, à gauche, pour donner un signal fort à des électeurs tentés par des voies plus radicales, comme en témoigne la fulgurante progression du PTB.

Troisièmement, ce repli régional, même s’il ne préjuge pas forcément d’un rejet des socialistes dans l’opposition au fédéral, est l’expression directe d’une conviction interne : si le passage d’Elio Di Rupo au Seize rue de la Loi lui a été favorable à titre personnel, il a été dommageable pour le parti qui a dû avaler bien des couleuvres en matière socio-économique. Traduction : Laurette Onkelinx et Magnette seraient au fond convaincus qu’un deuxième mandat de Premier ministre pour Elio Di Rupo serait préjudiciable pour le parti. A tout le moins, ce n’est plus la priorité. Le constat vaut d’ailleurs pour toutes les formations politiques, consternées de voir ceux qui ont dirigé le gouvernement belge sanctionnés dans les urnes après avoir pris leurs responsabilités. De Verhofstadt à Di Rupo en passant par Leterme, il n’est guère rentable aujourd’hui d’être un homme d’Etat.

En nouant leurs accords de majorité, Laurette Onkelinx et Paul Magnette tournent d’une certaine manière la page Di Rupo. La première hésite à diriger le gouvernement bruxellois (on sera fixé ce week-end) et a été régulièrement citée ces dernières années parmi les candidats au boulevard de l’Empereur. Le second devrait devenir ministre-président wallon et occuper l’Elysette, un lieu sur lequel on a cru tout un temps que se replierait Elio Di Rupo.

L’homme au noeud papillon n’a sans doute pas dit son dernier mot. Mais l’avènement des majorités progressistes à Namur et à Bruxelles pourrait aussi être pour lui une forme de chant du cygne.

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