© Belga

La tête de Bellens tombe, et il ne touchera pas d’indemnités de départ

Le Vif

Le gouvernement fédéral réuni en comité restreint a décidé vendredi de révoquer l’administrateur délégué de Belgacom, Didier Bellens. Il a estimé que les incidents et polémiques qui se sont répétés ont entamé la relation de confiance entre M. Bellens et l’actionnaire majoritaire de l’entreprise. Retour sur son parcours.

Le gouvernement fédéral réuni en comité restreint a décidé vendredi de révoquer l’administrateur délégué de Belgacom, Didier Bellens, ont annoncé le premier ministre, Elio Di Rupo, et le ministre des Entreprises publiques, Jean-Pascal Labille. Il a estimé que les incidents et polémiques qui se sont répétés ont entamé la relation de confiance entre M. Bellens et l’État, actionnaire majoritaire de l’entreprise.

Le gouvernement invoque plusieurs éléments: M. Bellens n’a pas contribué à garantir une bonne entente entre l’entreprise et l’État, les incidents et polémiques ont érodé la relation de confiance avec l’administrateur délégué, les déclarations « dénigrantes ou inopportunes » faites à l’égard de l’État, en particulier celle du 7 novembre où le premier était comparé à un petit enfant attendant sa Saint-Nicolas, ou encore les controverses qui ont éclaté à propos de certains départs, promotions ou licenciements de hauts cadres depuis 2011.

« Tous ces éléments ont incontestablement nui à l’image de l’entreprise, particulièrement importante dans le contexte concurrentiel actuel », a précisé M. Labille.

Une procédure de sélection d’un nouvel administrateur délégué sera mise en oeuvre dans les plus brefs délais. Le gouvernement demandera au comité de rémunération de Belgacom de formuler une proposition de salaire qui tienne compte des décisions prises en septembre lors de la désignation des dirigeants d’entreprises publiques à 100% -le salaire de ces « top managers » a été plafonné à 290.000 euros- et de la spécificité de Belgacom, société cotée en bourse qui compte donc des actionnaires privés.

Le conseil d’administration de l’opérateur télécom se réunira samedi matin. Il lui reviendra de désigner un ou plusieurs membres du comité de direction qui, avec le président du conseil, Stefaan De Clerck, devront assurer la gestion de la société en attendant qu’un nouveau patron soit désigné. Un nom est revenu ces dernières heures avec insistance: celui de Ray Stewart, vice-président exécutif en charge des finances.

« Ce nest pas une décision contre un homme »

En 2002, après le décès de John Goossens, prédécesseur de M. Bellens, les délégations de pouvoir ont été confiées au président et à un membre du comité de direction.

« Ce n’est pas une décision contre un homme », a assuré M. Labille.

Le gouvernement a avant tout voulu assurer la sérénité et la stabilité nécessaires aux activités de l’entreprise, a-t-il expliqué. Le ministre a tenu à avertir personnellement M. Bellens de sa révocation. Un bref entretien téléphonique a eu lieu vendredi soir, lorsque le gouvernement a pris sa décision.

L’équipe Di Rupo n’exclut pas que M. Bellens conteste en justice sa révocation et l’absence d’indemnité de départ. « Nous sommes heureusement dans un État de droit et des recours sont toujours possibles », a dit M. Labille. Il reviendra alors au tribunal de commerce de se prononcer, M. Bellens étant lié par un contrat d’indépendant.

Retour sur le parcours de Bellens

Didier Bellens, l’administrateur délégué de Belgacom avait vu sa position se fragiliser au fil du temps et surtout des multiples affaires qui ont émaillé les dernières années de son « règne » à la tête de l’opérateur historique du marché belge.

Agé de 58 ans, ce professionnel expérimenté, jamais avare de déclarations incendiaires, est titulaire d’un diplôme d’ingénieur de gestion obtenu à l’École de Commerce Solvay (ULB). C’est ainsi en tant qu’auditeur au sein du bureau de consultance Deloitte qu’il débute sa carrière en 1978.

Quatre ans plus tard, le Bruxellois francophone rejoint le Groupe Bruxelles Lambert (GBL) où il devient directeur financier. La même année, Albert Frère entre dans le capital de GBL. S’ensuivra une longue collaboration entre les deux hommes, Didier Bellens travaillant aussi bien pour le groupe Pargesa d’Albert Frère en Suisse que chez GBL, où il suit entre autres les dossiers de la BBL et de la Royale Belge. Il exerce finalement la fonction de directeur général de GBL jusqu’en 2000.

Après un passage à la tête du Groupe RTL, où il occupe la fonction d’administrateur délégué en charge notamment de l’expansion internationale de la société et de son introduction en Bourse, Didier Bellens rejoint Belgacom en 2003. Il y remplace John Goossens, qui vient de mourir, au poste d’administrateur délégué.

Les années suivantes seront marquées, entre autres, par le départ d’une série de managers de l’entreprise de télécoms. Si les raisons de ces démissions ne seront jamais clairement expliquées, plusieurs médias feront état du peu d’appétence de Didier Bellens pour le dialogue et les ressources humaines. Dans ce contexte tendu, la reconduction, en 2008, du contrat de M. Bellens à la tête de l’opérateur donne lieu à de vives discussions, portant notamment sur les importantes rémunérations qui lui sont octroyées.

Au début de son mandat, Didier Bellens avait déjà été critiqué à propos d’un placement personnel dans des actions de Telindus. Cet achat avait été finalisé à l’été 2005 alors que Belgacom avait émis en septembre de la même année une offre hostile sur l’entreprise de réseau. La CBFA avait ensuite blanchi Didier Bellens.

Marié et père de famille, l’homme n’en avait pourtant pas fini avec les affaires. En juillet 2011, il est ainsi inculpé de corruption passive, la justice montoise le soupçonnant d’avoir retiré des « avantages personnels » de la vente d’un bâtiment – un ancien centre RTT – à une société d’Edmée De Groeve.

La vente d’un autre bâtiment de Belgacom fait à nouveau couler beaucoup d’encre en 2013. C’est que Didier Bellens envisage de céder ce bâtiment à Immobel, une société dans laquelle il est administrateur.

Entendu à la Chambre sur le sujet, l’administrateur délégué de Belgacom ne fait pas grande impression. Il est toutefois mis hors de cause par un audit interne. Fragilisé par ces dossiers compromettants, Didier Bellens – dont il est également apparu que les conseillers fiscaux sont payés par l’entreprise publique – n’en reste pas moins adepte des déclarations tapageuses.

Le 7 novembre, lors d’un débat dans un cercle d’affaires bruxellois, il égratigne ainsi une nouvelle fois l’État et le Premier ministre, accusé de ne l’appeler que « lorsque la fin d’année approche pour demander ce qu’il en est du dividende de Belgacom. Un peu comme un petit enfant qui vient chercher sa Saint-Nicolas ». La déclaration de trop. Le lendemain, Didier Bellens est convoqué par le ministre en charge des Entreprises publiques, Jean-Pascal Labille (PS). A son arrivée au cabinet, le patron de Belgacom assurait qu’il n’avait pas l’intention de démissionner. Le comité ministériel restreint a finalement décidé vendredi soir de le révoquer pour manquement grave.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire