© BELGA/Jasper Jacobs

La sous-capacité policière aura un impact sur le plan national de sécurité

Le déficit de la capacité policière actuelle de l’ordre d’environ 15% « ne permet pas d’assumer toutes les opérations », a indiqué lundi, devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de Bruxelles, la commissaire générale de la police fédérale Catherine De Bolle.

Le déficit du cadre opérationnel atteindra même 24% en 2019 – moins de 3.000 policiers -, quand toutes les mesures d’économies budgétaires auront été réalisées, a-t-elle ajouté, évoquant également des déficits d’investissement.

Cela signifie que toutes les unités, et notamment les enquêtes judiciaires, la Côte, la police de la route, le corps d’intervention, les chemins de fer, ne sont plus considérées comme prioritaires, a souligné la commissaire, admettant par ailleurs que des moyens avaient été réinjectés depuis les attentats de Paris, via la provision interdépartementale, dans la lutte contre le terrorisme.

Mais selon elle, il y a aujourd’hui une tension telle entre la lutte contre le terrorisme et l’ensemble des autres opérations policières que celle-ci risque de porter à conséquence. « Cela aura un impact sur le plan national de sécurité », a averti Mme De Bolle, évoquant une situation « intenable », « ingérable », générant de « fausses attentes » et des « frustrations ».

« Peut-on continuer à pomper dans le pilier judiciaire? », a demandé la commissaire alors que le député Servais Verherstraeten s’inquiétait lui de l’existence d’un courrier du collège des procureurs généraux, relayant les doléances du procureur du Roi de Bruxelles, invitant la police fédérale à limiter les moyens pour la lutte contre le terrorisme à 15%, contre 45% aujourd’hui.

Le président de la commission d’enquête Patrick Dewael a peu goûté à l’avertissement de la commissaire. Selon lui, la Belgique dispose à l’échelle mondiale d’une surcapacité policière globale. Rappelant la grande réforme de la police, il y a une quinzaine d’années, l’ancien ministre de l’Intérieur a demandé s’il n’était pas possible de fixer des priorités dans le cadre de la dotation globale. « Au lieu de demander toujours plus de moyens et de gens, votre rôle n’est-il pas de mettre les gens là où c’est prioritaire? Quelle flexibilité avez-vous? », a-t-il dit. Parlant d’un raisonnement « facile » mais se refusant à évoquer la nécessité d’une nouvelle « réforme révolutionnaire », la commissaire a rappelé les efforts en termes d’optimalisation, au service d’une plus grande déconcentration vers l’opérationnel, ainsi que la réflexion en cours sur les tâches policières.

« Cri d’alarme »

Dans l’opposition, Willy Demeyer (PS) a vu dans le plaidoyer de Mme De Bolle un « cri d’alarme » qu’il conviendra de relayer au parlement. « Vous tirez la sonnette d’alarme », a également constaté Stefaan Vanhecke (Ecolo-Groen).

Pour Philippe Pivin (MR) en revanche, la commissaire a indiqué « que des moyens avaient été octroyés ces dernières années, même si ce n’est pas encore suffisant ».

Mettant en garde contre certains « réflexes conservateurs », le chef de groupe N-VA Peter De Roover a demandé si le nombre de zones de police ne pouvait pas être diminué en vue d’une meilleure efficacité. Après avoir estimé jusqu’ici que la question n’était pas « mûre », la commissaire générale, elle-même originaire de la police locale, a souligné que l’exercice pourrait être réalisé en termes d' »avantages d’échelle », « à condition que soit maintenu le lien avec la population et les bourgmestres, en termes de maintien de la sécurité et de gestion policière ».

Mme De Bolle a une nouvelle fois regretté la teneur du rapport du comité P épinglant la police dans le cadre d’une enquête sur les attentats de Paris. Elle a déploré les fuites dans la presse et demandé à pouvoir disposer de ce rapport définitif. Selon elle, ce type d’enquête du Comité P devrait porter sur « l’ensemble de la chaîne d’enquête », afin d’examiner notamment « le suivi » des dossiers, au-delà de la police judiciaire. Elle a ajouté que certains organes de contrôle devraient également se pencher sur le phénomène de radicalisation, en analysant le rôle des écoles, des CPAS, etc. Interrogée par Georges Dallemagne (cdH), Mme De Bolle a indiqué avoir « appris par des contacts avec la police judiciaire fédérale, à ce moment-là, l’existence » des dossiers épinglés par le Comité P au sujet du rôle de Salah Abdeslam, dossiers qui n’ont pas été exploités plus avant à l’époque, faute de capacité.

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