Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens: les « Monsieur Madame », ces livres pour enfants bourrés de stéréotypes de genre (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Les « Monsieur Madame » se vendent à des milliers d’exemplaires, en décembre. Saint-Nicolas et Noël obligent. Ces petits livres pour enfants bon marché, idéaux pour apprendre du vocabulaire, sont aussi des condensés de clichés sexistes. Ainsi les Madames sont tantôt « Princesse », tantôt « Beauté », tandis que les Monsieurs sont « Malin » et « Parfait »…

Ce dimanche-là, au milieu des chocolats et de tout plein de trucs en plastique, saint Nicolas avait déposé deux Monsieur Madame: Monsieur Inquiet, Madame Géniale. La petite en a déjà une belle pile, de cette collection et, chaque soir, elle sélectionne avec soin les deux histoires qui lui seront racontées. Sa préférée? Madame Princesse. Evidemment.

Madame Princesse qui ne sait rien faire de ses dix doigts. Bien sûr. Même pas se brosser les dents seule, un valet s’en charge. Tellement idiote qu’elle demande un pain chez le primeur et une saucisse à la boulangerie. Puis qu’elle les fait cramer dans la poêle, même pas capable de cuire un bout de bidoche.

Puis il y a Madame Beauté, qui pique une crise si son chapeau à pois s’envole ou si elle croise sa rivale, Madame Fabuleuse. Elle, elle passe sa vie chez la coiffeuse. Bien entendu. Et toutes les autres habitantes de son pays imaginaire imitent ses coupes, bande d’envieuses. Quant à Madame Coquette, elle a l’obsession d’associer son sac à main avec ses rideaux. Et Madame Vedette porte des talons. Immanquablement. Ah mais ouf! Y a Madame Boulot! Ah mais non. Madame Boulot, son job, c’est de nettoyer sa maison. Naturellement.

Pendant que ses parents s’échinent à éduquer leur petite lectrice en stimulant son intelligence, ses capacités, sa confiance, elle ingurgite chaque soir des pages et des pages de stéréotypes de genre. Insidieusement, l’assimilation fille = belle = apparence = futile = jalouse = ménagère s’immisce dans son cerveau en construction. Tandis que les Monsieurs, eux, sont Incroyable, Parfait, Formidable, Rapide, Rigolo, Gentil… Certes, parfois Malpoli, Bagarreur ou Sale, mais la grossièreté, l’agressivité ou la saleté restent des « privilèges » masculins. Un gars qui porte le même slip durant trois jours ne dégoûtera pas trop, mais une fille qui ne changerait pas de culotte…

Parfois, Monsieur est Costaud alors que Madame est Dodue, alors qu’en fait ils bouffent juste trop tous les deux. Monsieur dit « non » mais Madame dit « oui ». Monsieur est Aventure mais Madame est Prudente. Monsieur est Farceur mais Madame est tantôt Chipie tantôt Canaille, bref elle fait chier son monde et ça n’a rien de marrant.

Evidemment, la plupart de ces livres pour enfants ont été écrits dans les années 1970, 1980, époque à laquelle l’égalité homme/femme tracassait autant que le réchauffement climatique. Petit détail piquant: Roger Hargreaves, leur auteur, a publié son premier ouvrage en 1971 et ne s’est consacré, les dix premières années, qu’à dessiner des Monsieur, la première Madame ne débarquant qu’en 1981. Autoritaire, qu’elle était (autant dire mégère).

Bref, pas question de vouloir réécrire ces histoires vendues à plus de cent millions d’exemplaires comme d’autres entendraient revisiter La Belle au bois dormant pour que le prince lui demande son consentement pendant qu’elle roupille. Mais espérer que les aventures publiées plus récemment (depuis 1988, la série est poursuivie par le fils, Adam Hargreaves) soient un chouïa moins stéréotypées, ce n’est tout de même pas demander d’éradiquer la Covid en une nuit. Parce que bon, hum, La Rivale de Madame Acrobate (2011), Madame Fabuleuse (celle qui va chez la coiffeuse, 2016) ou encore Madame Beauté et la Princesse (2006)… Le rose, le gnangnan, les paillettes, tout le monde a bien compris, merci.

Madame Invention (inventrice, c’était sans doute trop), sorti en 2018, ça change un peu. Comme Madame Courage, nouveauté de 2021. Avant Madame Intelligente? Car, non, celle-ci n’existe pas. Personne n’y avait sans doute pensé. Après tout, Monsieur Malin n’existe que depuis 1978.

Madame la PDG

Pour la première fois de son histoire, Disney a nommé une femme à la tête de son conseil d’administration. Susan Arnold, qui y siège déjà depuis quatorze ans comme administratrice, prendra ses fonctions de présidente en cette fin d’année 2021.

(ST. A. K.)

63%

des infections au VIH en Afrique subsaharienne concernent des femmes et des filles. Et c’est dans cet immense territoire que vivent les deux tiers (67%) des personnes ayant contracté le virus. En 2021, selon l’Onusida, vingt-huit millions de patients avaient accès à la thérapie antirétrovirale, ce qui signifie que 27% des personnes malades du sida n’en bénéficient pas. Selon l’OMS, le sida a entraîné jusqu’ici plus de trente-six millions de décès. (ST. A.K)

Une femme pour douze hommes

La polémique a petit à petit enflé sur les réseaux sociaux: la sélection de la Ligue royale belge d’athlétisme pour les championnats d’Europe de cross-country a été annoncée. Les femmes y sont presque inexistantes: une seule, Annelies Nijssen, représentera la Belgique à Dublin en individuel. Des athlètes comme Nina Lauwaert ou Mathilde Deswaef ont crié au scandale. Mais les organisateurs campent sur leurs positions et affirment que les femmes n’ont pas rempli les critères de sélection. Elise Vanderelst et Vanessa Scaunet feront également partie du voyage, mais dans l’équipe de relais mixte.

(ST. A. K.)

L'auteur, Roger Hargreaves, a publié son premier ouvrage en 1971 et la première Madame, une vraie mégère, n'a débarqué qu'en 1981.
L’auteur, Roger Hargreaves, a publié son premier ouvrage en 1971 et la première Madame, une vraie mégère, n’a débarqué qu’en 1981.© DR

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