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La prolongation de la vie des F-16, une gageure, selon les experts

Une très longue journée d’auditions au parlement mercredi a sans doute douché les derniers espoirs caressés – principalement par l’opposition – d’une prolongation de la vie des avions de combat F-16, dont le plus ancien date de 1982 et que le gouvernement souhaite remplacer dans la prochaine décennie, avec un contrat espéré à l’été.

Des experts américains de l’US Air Force et de l’avionneur Lockheed Martin ont ainsi révélé combien il serait risqué et coûteux de prolonger la durée de vie des F-16 belges vieillissants au-delà des 8.000 heures de vol garanties par le constructeur, pour un faible retour opérationnel.

Ils ont pris lors d’une audition devant la commission de la défense de la Chambre, le contre-pied d’un officier belge, le lieutenant-colonel Rudi Decrop. Esseulé au sein de l’état-major de la Défense, cet ingénieur ex-gestionnaire de la flotte F-16, estime que ces avions pouvaient être prolongés d’une demi-douzaine d’années sans guère de coûts supplémentaires.

L’officier technicien, jusqu’ici présenté dans la presse comme étant le « colonel X », lanceur d’alerte au sein de la Défense, a déclaré que les F-16 belges étaient en bon état et avaient connu des profils de vol moins « durs » qu’envisagé par Lockheed Martin et pourraient dès lors voler 1.500 heures de plus que le maximum de 8.000 heures annoncé.

Il a été contredit par son supérieur direct, le colonel Peter Letten, qui a expliqué aux députés qu’atteindre le cap des 8.000 heures serait déjà un défi en raison de l’absence de données sur la sévérité des vols, faute d’enregistreurs de vol jusqu’en 2006.

« Nous avons les plus anciens F-16 au monde, structurellement des F-16 de première génération, avec en plus des problèmes de corrosion », a-t-il affirmé aux députés. Il a rappelé que la plupart des autres pays utilisateurs du même type (des monoplaces A et des biplaces B) les avaient retirés du service (comme les Etats-Unis) ou avaient décidé de leur remplacement (les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège qui ont porté sur le choix sur le F-35 de Lockheed Martin).

« Ce sera déjà difficile de tenter d’atteindre les 8.000 heures », a-t-il lancé. Mais le coup de massue est venu en soirée de quatre experts – deux militaires et deux civils – américains, venus pour l’occasion des Etats-Unis. « Il n’est pas possible d’étendre la durée de vie certifiée d’un (F-16 belge de type) Block 15 sur la base des données disponibles », a affirmé le colonel Jeff Gates, qui est responsable du programme F-16 au sein de l’US Air Force.

Il a rappelé que l’US Air Force avait retiré depuis plusieurs années ses F-16 les plus anciens, ne conservant que des appareils dans des versions plus récentes (des monoplaces C et des biplaces D Block 40 et 50), dont certains devraient, moyennant des modernisations des systèmes et de la cellule, voler jusque vers 2040 et atteindre le seuil des 12.000 heures.

Une nouvelle modernisation des F-16 belges pour rester opérationnels au-delà de la fin de la durée de vie prévue, entre 2023 et 2030, coûterait au moins un milliard de dollars, selon une estimation du System Program Office (SPO) de l’US Air Force, qui suit le programme F-16.

Un ingénieur de Lockheed Martin, Thomas Jones, a pour sa part souligné que dans l’état actuel des données dont dispose le constructeur, la certification se limitait à 8.000 heures. « Je ne peux rien promettre » au-delà, a-t-il dit, soulignant que Lockheed essayait de déterminer comment arriver à ces 8.000 heures pour les appareils de cette génération par le biais d’une mise à niveau appelée en jargon « Service Life Extension Program » (SLEP).

« Actuellement, vous avez une certification pour 8.000 heures », a-t-il rappelé. Pour réaliser une telle SLEP, il faudrait prendre un avion similaire à ceux en service en Belgique et lui faire subir, jusqu’à la rupture, des tests de sévérité d’une durée double à celle de la vie espérée pour les appareils à prolonger, a expliqué l’ingénieur. « Ces tests n’existent pas et c’est très coûteux », a dit M. Jones.

« La probabilité de succès d’un tel programme est très faible », a-t-il renchéri. Le colonel Gates a également expliqué que le constructeur de l’avion devait disposer de données fiables sur la sévérité des heures de vol effectuées par les avions, soit 90% de l’histoire de chaque appareil.

Ce qui n’est actuellement pas le cas car la Défense ne dispose que de 20% des données nécessaires et dont peu datent d’avant 2006, ce qui crée un « trou » dans l’histoire des avions. « 70-80%, c’est encore acceptable. Entre 20 et 60%, on ne peut rien faire. Prolonger la vie des avions, mais avec des tests, c’est une proposition très risquée », a souligné M. Jones.

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