Olivier Mouton

La N-VA paie le prix du pouvoir fédéral

Olivier Mouton Journaliste

Le départ des députés Vuye et Wouters est un coup dur relatif pour le parti nationaliste parce qu’il consacre la rupture avec le Mouvement flamand. Et une victoire du MR.

Est-ce le début de l’éclatement annoncé de la N-VA ? Le prix à payer de l’usure du pouvoir deux ans à peine après son entrée dans le gouvernement fédéral de Charles Michel ? Le départ des deux députés chargés de la réflexion confédérale du parti, Hendrik Vuye et Veerle Wouters, est en tout cas incontestablement un coup dur pour la N-VA et un affront à l’autorité du président, Bart De Wever. Pour autant, les opposants du parti nationaliste ne doivent pas encore prendre leurs rêves pour des réalités : le parti ne renonce pas à ses objectifs. Deux jeunes députés pleins d’avenir, Sander Loones (successeur annoncé de De Wever), et Matthias Diependaele (chef de groupe au parlement flamand) vont reprendre à leur compte cet Objectif V dont la mission consiste à tracer le chemin menant au confédéralisme. Qui reste l’horizon de la N-VA.

Un coup dur ? Oui. Tout d’abord, d’un point de vue purement mathématique, le parti de De Wever voit son nombre de députés à la Chambre réduit de 33 à 31. Cela ne menace pas encore son statut et cela ne fragilise en aucune sorte la majorité fédérale, mais c’est une brèche ouverte. D’autres pourraient suivre. Vuye et Wouters risquent en outre de semer le trouble en occupant un espace, certes réduit, entre la N-VA et un Vlaams Belang qui ne cesse de reprendre du terrain dans les sondages.

Le plus dommageable est toutefois la rupture consommée avec le Mouvement nationaliste flamand. S’il ne pèse plus autant qu’auparavant, surtout depuis la scission avec une aile radicale proche du Belang, celui-ci continue à peser dans l’opinion publique flamande. Ce n’est pas pour rien qu’un Theo Francken, secrétaire d’Etat à l’Asile, a exprimé sa « douleur » de le voir prendre ses distances. Si la N-VA a élargi son électorat en se dotant d’un profil nettement plus conservateur et libéral, elle n’en perd pas moins un allié naturel.

Hendrik Vuye et Veerle Wouters à leur arrivée au siège du parti, le 20 septembre 2016
Hendrik Vuye et Veerle Wouters à leur arrivée au siège du parti, le 20 septembre 2016© Belga Image

Cela étant, la N-VA a du ressort, son assise est sans commune mesure à ce qu’elle était il y a dix ans. En implantant fortement son parti sur le plan local, De Wever a jeté des fondations durables. Hendrik Vuye et Veerle Wouters ne sont en outre pas des champions en termes de voix de préférence. Platement dit : la N-VA ne perd pas des Bekende Vlamingen prêts à lui faire de l’ombre. Si Hendrik Vuye n’exclut pas de créer son parti, il fait davantage songer pour l’heure à un Jean-Marie Dedecker, qui a végété en marge des partis traditionnels, qu’à une N-VA devenue numéro un en Flandre au bout de neuf ans à peine.

Le départ de Vuye et Wouters est en réalité la démonstration ultime que la N-VA a changée. Elle s’est orientée vers d’autres priorités, socio-économiques et sécuritaires, est devenue un parti populaire et de pouvoir, une espèce de Forza Flandria dont rêvait depuis toujours De Wever. Dans la continuité de la campagne électorale de 2014, la priorité pour la N-VA consiste désormais à continuer à gouverner au fédéral sans le PS pour réformer la Belgique en profondeur. Le confédéralisme n’est pas abandonné, il constitue une arme à brandir si les socialistes francophones sont en mesure de revenir au pouvoir. C’est le fruit d’un constat : l’indépendance de la Flandre, qui figure toujours en tête des statuts de la N-VA, est un Graal pratiquement impossible à atteindre au vu de l’importance de Bruxelles dans notre modèle institutionnel.

Cet incident interne au parti nationaliste constitue enfin une victoire pour le MR dont la stratégie semble porter ses fruits : la N-VA se belgicise, ses ministres appuient la politique fédérale et deviennent même populaires du côté francophone. Le stop communautaire est en outre respecté et les outrances sanctionnées. C’est une victoire fragile, néanmoins, car une déchirure plus forte au sein de la N-VA ou un redressement spectaculaire du Belang aux communales de 2018 pourraient provoquer du football-panique chez les nationalistes flamands.

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