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La ministre Galant renvoie la balle à son administration

La ministre de la Mobilité et des Transports, Jacqueline Galant, a indiqué mercredi avoir choisi pour l’assister le cabinet d’avocats Clifford Chance, selon une procédure négociée sans publicité, après avoir « suivi l’approche » du SPF Mobilité.

« Le cabinet Clifford Chance, a donc été désigné en suivant l’approche proposée par mon administration, à laquelle mon cabinet avait adressé un projet de cahier des charges en vue d’une procédure négociée accompagnée d’une liste (non limitative) de 3 cabinets à consulter, même si le SPF nous avait précédemment indiqué qu’une telle consultation n’était pas nécessaire », a-t-elle dit mercredi en commission de la Chambre.

Face aux questions pressantes de l’opposition qui a mis en jeu sa « responsabilité politique » dans ce dossier, et en l’absence de soutien des partenaires de majorité, la ministre a dit veiller à la bonne conformité de la passation des marchés. Elle a précisé avoir rencontré le chef de corps de l’Inspection des Finances afin qu’une enquête soit menée sur l’ensemble des marchés passés au sein de son département. Ceux-ci seront également, le cas échéant, passés au crible par un « consultant indépendant ». Il y aura des « remédiations si besoin, au cas par cas », a-t-elle dit, espérant clore par là toute polémique.

Selon un échange de courriels qu’a pu lire l’agence Belga, il apparaît qu’après consultation de l’administration, c’est le cabinet de la ministre qui a négocié et finalisé la collaboration avec Clifford Chance. La ministre a expliqué mercredi en commission le choix d’une procédure négociée sans publicité par « l’urgence » de cette collaboration, la nécessité de « confidentialité » et celle d’entretenir une relation de « confiance » avec le bureau d’avocats. Elle a renvoyé à la réglementation européenne – dont elle a admis qu’elle n’était pas encore transposée – permettant le recours à une telle procédure en cas de consultation pour un litige.

L’objet du marché vise la contestation des décisions de la Commission européenne en matière d’aides d’Etat, enjeu à litiges par excellence. Mais, a confirmé Mme Galant, Clifford est également « consulté » par ailleurs sur la « réflexion globale » qui est menée sur l’avenir de Brussels Airport.

Alors que la députée Vanessa Matz (cdH) les brandissait, la ministre a fini par renvoyer elle-même à l’échange de courriels entre son cabinet et l’administration desquels il ressort notamment que le SPF a évoqué la possibilité de déroger à une procédure négociée avec trois offres, cela alors que, selon Mme Galant, son cabinet avait lui-même suggéré cette procédure à trois offres.

Cependant, dans la phase finale de l’échange de courriels, le SPF en était revenu à l’idée d’une procédure négociée avec publicité, observant même qu’il faudrait respecter un délai d’au moins sept jours avant de choisir parmi les candidats. Or, dans la foulée, le cabinet Galant décidait d’avaliser la collaboration avec Clifford, sans publicité.

Le dernier mail du SPF rappelait également que les marchés de plus de 31.000 euros devaient recevoir l’aval de l’inspection des Finances et qu’au-delà de 85.000 euros, l’accord du ministre du Budget était requis. Mercredi, la ministre n’a pas révélé le montant total lié à cette collaboration avec Clifford – elle a toutefois cité un montant de 176.000 euros facturés (dont la moitié concernant la procédure d’infraction ouverte par la Commission) et n’a pas dit s’il existait un contrat entre le cabinet et le bureau d’avocats.

« Cette procédure me semble totalement illégale », a indiqué Karine Lalieux (PS) qui a appelé à une enquête de la Cour des comptes, et, à l’instar du cdH, à l’audition du président du SPF Mobilité, Laurent Ledoux.

Elle souhaite également que le Premier ministre Charles Michel se prononce sur la réalité des procédures. « La responsabilité politique incombe au ministre ou alors on n’est pas ministre », a encore dit Mme Lalieux. « C’est très grave, ce qui se passe. Vos réponses sont en contradiction avec le contenu des mails, ce qui a été dit au parlement est contraire à la vérité », a renchéri Mme Matz. Benoît Hellings (Ecolo) a appelé à faire « toute la lumière » sur le dossier des vols depuis le plan Wathelet jusqu’au clash Galant-Ledoux, s’étonnant que le groupe cdH dispose d’échanges de mails entre l’administration et le cabinet.

Pour le MR, Gilles Foret a dit « s’interroger sur le rôle du patron de l’administration » et des fuites « savamment orchestrées dans la presse », empêchant la sérénité du débat de fond. Il s’est dit « affligé » et « scandalisé » par l’attitude du fonctionnaire.

Mme Galant elle-même a dit espérer que « derrière cette démarche ne se cache pas un objectif politique qui viserait à ralentir, voire à saboter, l’élaboration d’un cadre réglementaire stable concernant l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National ». Ceci serait « inacceptable et dommageable », a-t-elle souligné.

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