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La Mer du Nord, future conquête de la Flandre

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Condamnée à lutter contre la montée des eaux, la Flandre voudrait mettre le grappin sur la gestion de la Mer du Nord et ses trésors présents et à venir. Plongée en zone tôt ou tard menacée de remous communautaires.

De remuante, la Mer du Nord se fait dangereusement envahissante. Le réchauffement de la planète lui fait perdre la boussole. Puisque rien n’arrêtera plus la montée des eaux (30 centimètres d’ici 2050), les Flamands étudient différents moyens pour contenir leurs assauts. C’est donc du dernier coin authentique de Belgique, perdu en mer, que la terre flamande a tout à craindre. De ces 3.454 km2 de masse liquide sur laquelle ne bat officiellement que le pavillon belge. Au regard du droit maritime international, ce demi pour cent de la superficie totale de la Mer du Nord, grand comme la province de Flandre occidentale, n’appartient à personne. Mais c’est la Belgique, en tant qu’Etat côtier, qui est maître à bord de « cette mare aux canards. » Et qui décide en dernier ressort de ce qui peut s’y construire et s’y exploiter.

Maîtriser les accès de colère de la mer, la Flandre en fait pourtant une affaire personnelle. La Région flamande a prévu d’encaisser le choc financier : 300 millions d’euros d’investissements sont déjà programmés. Sans compter les moyens à dégager pour rénover et consolider dix grosses écluses et d’autres installations portuaires. Sans compter les coûts d’entretien qu’engendreront les 444 000 mètres cubes de sable qui seront chaque année nécessaires à la lutte contre l’érosion. Et sans compter sur un geste de solidarité à l’échelle nationale qui n’est pas sollicité. Le nord du pays a déjà l’intime conviction de jouer à domicile en mer du Nord. Quand il est question d’aménager l’espace maritime entre partenaires de la Belgique fédérale, la N-VA franchit mentalement le pas. « La Mer du Nord est une compétence que se partagent l’Etat fédéral et la Région flamande », affirme Ben Wollants, le « monsieur énergie » du parti nationaliste flamand. Sa coreligionnaire Daphné Dumery sait aussi marquer le territoire : « En raison de l’émiettement des compétences en matière de Mer du Nord, associer la Flandre est indispensable. » Impliquer la Wallonie et Bruxelles saute nettement moins aux yeux. Les Ecolo s’en étaient émus, en découvrant qu’aucun représentant régional wallon et bruxellois n’étaient invités à siéger au côté de l’envoyé flamand au sein de la commission fédérale chargée de suivi de l’espace maritime.

Mettre le grappin sur l’espace marin ne serait qu’une question de temps. A chaque bras de fer institutionnel, la revendication remonte à la surface. Essentiellement, parce que la Mer du Nord a de l’énergie à revendre. Ses trois parcs éoliens, ses 182 turbines, sa puissance installée de 712 mégawatts, supérieure à l’éolien terrestre wallon ou flamand, ont déjà propulsé la Belgique parmi les grands de l’éolien off-shore européen et même mondial. L’intention est de surfer sur la vague. Bart Tommelein, Open-VLD et Secrétaire d’Etat à la Mer du Nord, fixe le cap : « Cette capacité sera triplée durant cette législature », pour être portée d’ici 2020 à huit parcs éoliens et à 2 200 mégawatts de puissance installée sur mer. L’équivalent de deux grosses centrales nucléaires, de quoi couvrir la demande énergétique de plus d’un million de foyers. Pas négligeable.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

Avec :

– les plans anti-montée des eaux

– l’infinité de possibilités de la « onzième province »

– le programme « Baies flamandes »

– un corridor wallon vers une mer flamande

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