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La jeunesse flamande plus à droite qu’on ne le pense ?

Muriel Lefevre

Le Vlaams Belang battra-t-il Groen lors des élections ? Tom Van Grieken, président du parti d’extrême droite, en est convaincu. Pour lui les « Anuna De Wever sont une minorité », peut-on lire dans De Standaard.

« La droite, c’est cool », voilà ce qu’entend Tom Van Grieken des nombreux étudiants qui viennent le voir lors de sa tournée « Tom op Toer ». Ici, point de skinhead ou un t-shirt bleu de Shield & Vrienden: il a face à lui des étudiants lambda qui se bousculent pour un selfie et qui ne cachent plus leur enthousiasme pour un parti d’extrême droite.

Des impressions de meeting qui rejoignent aussi ce que l’on peut voir dans les sondages. Selon le dernier organisé par De Standaard et de la Gazet van Antwerpen, pas moins de 17 à 39 % des électeurs du Vlaams Belang ont entre 18 et 34 ans. Avec Groen, le Vlaams Belang est le parti qui plaît le plus aux jeunes.

Ces sondages confirment d’ailleurs ce que beaucoup d’écoles ont déjà constaté de visu: l’extrême droite est en train de gagner du terrain. Beaucoup de directeurs d’école s’inquiètent du soutien croissant envers Schild en Vrienden et son leader Dries Van Langenhove. Tout comme la condamnation du Vlaams Blok en 2004 pour racisme avait jeté les bases d’une victoire retentissante (24 %), le reportage sur Schild & Vrienden de Pano (qui révélait les blagues racistes, antisémites et hostiles aux femmes qui circulaient au sein de cette organisation de jeunesse d’extrême droite) leur a servi de tremplin. Le traditionalisme catholique de Dries Van Langenhove et son conservatisme éthique, combinés au désir d’un leader fort, se sont révélés particulièrement porteurs auprès des jeunes garçons.

Van Grieken et Van Langenhove
Van Grieken et Van Langenhove© Belga

L’engouement semble surtout être de mise dans des petites villes de province qui sont confrontées à des migrants. Là, Van Grieken et Van Langenhove y sont considérés comme des rebelles, ce qui les rend particulièrement attirants pour les jeunes. Van Grieken n’est guère surpris : « La jeunesse flamande a toujours été plus à droite qu’on ne le pense. Les Anuna De Wever de ce monde ne sont qu’une minorité. Les jeunes flamands sont de plus en plus à la recherche de leurs racines. Contrairement aux générations précédentes, ils grandissent dans une société très diversifiée. Si les autres portent le foulard, eux aussi veulent vivre leur identité ».

Le succès de l’extrême droite auprès des jeunes n’est cependant pas qu’un phénomène flamand. On l’observe partout en Europe, selon l’historien Herman Van Goethem interviewé dans le Nieuwsblad. « Regardez le Forum voor Democratie aux Pays-Bas, Vox en Espagne, l’AfD en Allemagne, la Lega Nord en Italie… Bien sûr, tous ces partis ne sont pas uniquement populaires auprès des jeunes, mais le fait que les jeunes en particulier soient sensibles à leurs idées a beaucoup à voir avec la grande incertitude dans laquelle ils vivent. Or les gens qui offrent la sécurité et apportent un message simple et clair sont très attirants ».

Une résurrection

Il y a cinq ans, le coup d’Etat de la N-VA semblait avoir sonné le glas du Vlaams Belang. Gerolf Annemans, le président d’alors, passe la main à Van Grieken, qui n’a, à cette époque, que 28 ans. Personne n’aurait, à l’époque, misé un clou sur son succès. « Ces dernières années, nous nous sommes battus pour revenir dans l’arène politique. Nous avons traversé le désert et avons parfois dû porter les chameaux sur le dos », dira Van Grieken.

La jeunesse flamande plus à droite qu'on ne le pense ?
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Et c’est vrai qu’il n’aura pas économisé sa peine. Il renouvèle les visages du parti avec de jeunes trentenaires, se trouve de nouveaux thèmes de campagne et opère un changement de style et surtout de ton. Il fait aussi de la Chambre des représentants un fer de lance de son action politique. Il cantonne Filip Dewinter, et sa thématique de la migration, au parlement flamand. Car contrairement à ce que l’on pourrait croire, le Vlaams Belang tente bel et bien de se débarrasser de son image de parti à thème unique. Le parti ne fait plus exclusivement une fixette sur l’Islam. Sous Van Grieken, les thèmes se sont élargis. Outre l’attention accordée aux questions socio-économiques (retraite, réduction de la TVA sur l’électricité), l’éducation fait, elle aussi, l’objet d’une attention croissante. Van Grieken se dit, « contre le système, pas contre les institutions ».

Il fait aussi moins dans la provocation. « Radical, mais pas marginal », dit-il lui-même. L’avènement des réseaux sociaux va aussi lui permettre de se faire passer comme moins radical. Tous ces changements vont permettre au parti d’effectuer un retour en force. Au point de flirter à nouveau avec des pourcentages à deux chiffres malgré les cordons sanitaires toujours de vigueur. Le parti est annoncé à 15 % à quelques jours des élections.

Encore merci Theo

Le gain de voix du Vlaams Belang s’explique par un transfert de vote venant de la N-VA, mais aussi de l’Open VLD et du SP.A. Ainsi certains ne pardonnent pas l’alliance avec le SP. À à Anvers, la fermeté dans l’application du cordon sanitaire (alors qu’une alliance était possible dans 15 communes), ou encore la manière dont le parti a condamné Guy D’Haeseleer à l’opposition à Ninove. Mais la personne qui a la plus grosse responsabilité dans la montée du Vlaams Belang pourrait bien être Theo Francken. Il a ouvert la voie d’une normalisation de la radicalisation en se lançant dans un langage sans concession. Sauf que les paroles n’ont pas été suivies par des actions concrètes. Une dichotomie entre paroles et actes qui a ouvert un boulevard au Vlaams Belang.

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