Carte blanche

La « Georges-Louis-Bouchez Mania »

 » Ce que le président du MR met en exergue à son insu, c’est avant tout un débat plus profond et spirituel sur l’identité des francophones « , estime Simon Lefebvre, juriste et philosophe.

Depuis son élection à la présidence du MR, pas une journée ne se passe sans que Georges-Louis Bouchez ne fasse la une des médias. Dans une récente interview accordée au magazine « Wilfried », il a plaidé en faveur de l’unitarisme et d’une refédéralisation complète de toutes les compétences, à l’heure où il est en pleine mission d’informateur royal, embourbé dans des négociations avec le PS et la NVA. Un faux pas qu’il est manifestement le seul à ne pas comprendre.

Le débat « unitaire » n’est pas nouveau

Tout d’abord, il convient de rappeler que d’autres partis politiques plaident depuis longtemps en faveur d’un retour à une Belgique unitaire et d’une refédéralisation des compétences. L’organisation même de certains partis transcende d’ailleurs le clivage linguistique.

Le débat n’est donc pas nouveau et de telles tendances avaient déjà été affirmées lors des débats précédant les élections de 2019.

L’écho que suscite la position du président des réformateurs n’a rien de révolutionnaire en tant que telle. Ce n’est pas l’idée en elle-même qui suscite polémique mais bien la personne de qui elle émane, compte tenu des circonstances actuelles.

Ces propos posent problème

Il est malhonnête de feindre de ne pas comprendre qu’une telle sortie puisse poser problème.

Parce que les propos de « GLB » vont être lus. Parce que les lecteurs – qui deviennent une fois tous les 5 ans des électeurs – savent désormais que le président des libéraux francophones penche en faveur d’un unitarisme. On le sait désormais en Wallonie et en Flandre.

Au nord du pays, la NVA est dans une situation politique délicate avec le Vlaams Belang à sa droite. Il est déjà difficile pour elle d’imaginer entrer dans un gouvernement avec le PS francophone, ce qui risquerait de renforcer le Vlaams Belang cantonné à un rôle confortable d’opposition. La NVA doit maintenant en outre imaginer entrer au gouvernement avec un mouvement dont le Président évoque publiquement son idéal d’unitarisme et de refédéralisation des compétences en Belgique. Une situation qui résonnerait comme un aveu de faiblesse des séparatistes flamands.

Cette sortie est d’autant plus incompréhensible et inconséquente que Bouchez vante les mérites et qualités du libéralisme et du progressisme avant de soutenir une position qui ne soit même pas conservatrice mais bien réactionnaire au sens strict du terme.

Il faut réécrire l’Histoire

Par ailleurs, pour rêver d’une Belgique à nouveau unitaire – de la fameuse « Belgique de papa » – il faut également rêver de pouvoir réécrire l’Histoire afin de lui conférer un autre sens, un sens conforme à cet idéal.

Car, que l’on accueille l’idée avec joie ou avec tristesse, le sens de l’histoire belge tend depuis la création de la Belgique vers une séparation progressive des deux nations qui constituent notre Etat.

La Flandre, de par l’importance du mouvement flamand qui s’y est développé, est aujourd’hui devenue une nation sans Etat propre mais perpétuellement à la recherche de son Etat.

Un débat surtout francophone

Il est intéressant de constater que cette nostalgie de la Belgique d’antan s’affiche davantage du côté francophone.

A l’inverse de la Flandre, la Wallonie n’a jamais réussi à développer un « mouvement wallon » similaire, ni même une identité propre.

On peut penser que les francophones, dans leur quête identitaire, par sentimentalisme, se raccrochent à un idéal national belgo-belge qui demande, pour exister, le consentement et l’adhésion d’un autre peuple abritant en son sein des intentions indépendantistes.

Soyons de bonne foi : cet idéal n’existe plus – est-il seulement né un jour ?

La Belgique ressemble aujourd’hui à un vieux couple dont l’un des partenaires souhaite se séparer pour refaire sa vie ailleurs, tandis que l’autre s’y raccroche désespérément à défaut d’avoir trouvé un nouvel horizon.

L’on se trompe lorsqu’on écrit que Georges-Louis Bouchez a ouvert un débat sur le fonctionnement institutionnel belge. Ce débat existe depuis toujours, et c’est d’ailleurs bien souvent les politiques francophones qui rechignent à prendre les problématiques institutionnelles à bras le corps.

Ce que GLB met en exergue à son insu, ce n’est pas seulement la question froide et technique d’une meilleure utilisation des deniers, d’un fonctionnement et d’une organisation plus efficaces et performantes, mais c’est avant tout un débat plus profond et spirituel sur l’identité des francophones.

Simon Lefebvre, juriste de formation, suivant un Master en philosophie à l’UCL

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