Le Vif

La Flandre n’a pas dit son dernier mot

Je me suis abstenu, au cours de la récente campagne électorale, de m’exprimer. J’en retiens une chose : la volonté affichée par les responsables politiques francophones de ne pas s’embarquer dans une coalition fédérale avec les nationalistes flamands. Une opinion de Jules Gheude, essayiste politique.

Par Jules Gheude, essayiste politique

Le succès électoral de ces derniers a dépassé les prévisions les plus optimistes, amenant aujourd’hui Bart De Wever à se voir confier par le roi une mission d’informateur.

En politique, il ne faut jamais dire jamais. On a vu ce qu’il a en été de ces francophones « demandeurs de rien » et qui s’étaient engagés à ne pas scinder Bruxelles-Hal-Vilvorde sans élargissement de la Région bruxelloise. On ne toucherait jamais aux allocations familiales, avait affirmé haut et clair Joëlle Milquet – « Madame non »…

Nul ne peut dire, à ce stade, comment évolueront les négociations pour la formation du gouvernement fédéral et des gouvernements régionaux. On sait seulement que l’intention de Bart De Wever est de doter au plus vite la Flandre d’un gouvernement de centre-droit. Avec son ancien partenaire de cartel, le CD&V, il disposerait d’une majorité, que pourrait venir renforcer l’Open VLD.

Toute la question est de savoir comment réagiront les démocrates-chrétiens flamands. Leur président, Wouter Beke, a confessé dernièrement : « Oui, je suis flamingant. Mon biotope naturel, c’est la Flandre ». En 2007, il avait aussi déclaré : « Nous voulons une véritable confédération où chacun pourra agir comme il l’entend. Les Wallons ne tiennent à la Belgique que pour l’argent. » Qu’on se rappelle aussi les propos tenus par l’ancien ministre CD&V Stefaan De Clerck : « La relation entre le nationalisme et la démocratie chrétienne est profondément ancrée dans l’ADN flamand. »

Une chose est sûre : la 6ème réforme de l’Etat, qui doit encore être appliquée, n’apporte pas cette véritable confédération qu’appelle Wouter Beke de ses voeux. L’encre de l’accord n’était pas encore sèche qu’il s’empressait d’ailleurs de souligner que d’autres réformes devraient voir le jour.

Certes, au cours de la prochaine législature, la Constitution, ne pourra être modifiée que dans des limites très strictes. Le fameux article 195, qui définit la procédure de révision de la Constitution et auquel la N-VA souhaitait toucher, ne figure pas dans la liste des articles révisables. Mais tout constitutionnaliste nous dira aussi que bien des choses peuvent être réalisées au départ des lois spéciales et que le pays n’est nullement à l’abri de gros chambardements, notamment au niveau de la sécurité sociale.

La Flandre est loin d’avoir dit son dernier mot. Souvenons-nous de cette déclaration de Karel De Gucht, en 2002, alors qu’il présidait les libéraux flamands : « La Belgique est condamnée à disparaître à terme, à s’évaporer et, en attendant, n’apporte plus aucune valeur ajoutée à la Flandre. Il est inadmissible que la Flandre paie davantage pour les soins de santé et reçoive moins en retour de la Wallonie. »

Il suffit d’avoir suivi le « duel » télévisé Magnette – De Wever du 13 mai pour réaliser le fossé infranchissable entre le Nord et le Sud. Ce sont bien deux mondes différents qui s’affrontent.
On ne peut, comme l’a fait récemment le président du FDF, Olivier Maingain, mettre en doute la légitimité démocratique de la N-VA. La façon dont un Flamand sur trois s’est exprimé ne peut être rejetée d’un revers de la main. Elle ne fait que rejoindre le préambule de la Charte que le Parlement flamand a adoptée à l’unanimité il y a deux ans et qui précise que la Flandre est bel et bien une nation.

On connaît la réflexion post-belge que je poursuis depuis 2008 et qui m’a amené à prôner, en cas de scission du pays, la formule de l’union-intégration à la France, via un statut de large autonomie pour la Wallonie (www.etatsgenerauxdewallonie.com et www.gewif.net).

Il ne s’agit nullement d’une réflexion fantaisiste. Comme l’a écrit feu Xavier Mabille, président du Crisp, dans l’introduction à mon livre « L’incurable mal belge sous le scalpel de François Perin » (Ed. Mols, 2007) : « Au cas où s’accomplirait l’hypothèse de la scission de l’Etat (hypothèse dont je dis depuis longtemps qu’il ne faut en aucun cas l’exclure) »…

Il ne fait aucun doute que celles et ceux qui doutent de la pérennité de la Belgique et qui sont convaincus du bien-fondé de l’intégration à la France dépassent largement le faible score enregistré par le RWF depuis sa création en 1999. C’est la raison pour laquelle, j’ai dit, il y a quelques mois, que le moment me semblait venu de « repenser la stratégie réunioniste ». (www.gewif.net)

Dernier livre paru : « Lettre à un ami français – De la disparition de la Belgique », préface de François Perin, Mon Petit Editeur, 2013.

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