Le 25 juin dernier, les Belgian Cats décrochaient la troisième place à l'Euro de Prague. © VIRGINIE LEFOUR/belgaimage

La Fédération royale de basket belge parviendra-t-elle à renaître de ses cendres ?

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Qui possède un million d’euros ? Pas la fédération nationale de basket. Condamnée à payer cette somme pour avoir rompu un contrat prématurément en 2001, l’asbl a dû se mettre en liquidation. Une solution va devoir être rapidement trouvée pour la survie des équipes nationales.

Elles étaient parties en République tchèque dans l’indifférence médiatique quasi générale. Puis les Belgian Cats ont battu la Russie – du jamais-vu, même chez les hommes. Elles ont atteint les quarts, les demi-finales. Elles ont perdu face à l’Espagne, mais pas contre la Grèce, et elles ont ramené le bronze, couplé à une qualification pour le mondial 2018. Du jamais-vu non plus. A leur retour de l’Euro de Prague, le 27 juin dernier, micros et caméras les attendaient à l’aéroport. Leur nom a peuplé plus de 1 000 articles. Et alors que le basket belge profitait du plus grand moment de gloire de son histoire, la Fédération royale (FRBB) qui le chapeaute vivait la fin de la sienne.

Une fin forcée. Pas soudaine : l’affaire qui l’a achevée remonte à 2001. La FRBB est au basket-ball ce que l’Union belge est au foot. D’ailleurs, toutes deux avaient choisi la même société privée pour gérer leurs droits commerciaux. Une petite entreprise, Belgian Marketing and Consulting Group (BMC en abrégé). Un dirigeant – Johan Casselman -, pas de salarié, un siège social basé à Schelle, au sud d’Anvers, et, pour principal fait d’armes, le développement de Samson en Gert (un chien et son maître qui amusent les Flamands à la télé depuis vingt-cinq ans). La collaboration footballistique s’est achevée en 2009, au bout de quinze ans. Celle avec le basket national, conclue en 2000, aurait dû courir sur dix ans. Mais la fédération, mécontente des services fournis, a rompu le contrat dès 2001.

Unilatéralement ? BMC avait en tout cas intenté une action en justice. Un arrêt intermédiaire, prononcé en 2007, avait estimé que les torts étaient partagés. Mais en appel, la FRBB vient d’être reconnue seule fautive. Le 2 mai dernier, la justice anversoise l’a condamnée à payer une provision de plus d’un million d’euros à BMC. Plus précisément, 952 390 euros, qui correspondent grosso modo à ce que la société anversoise aurait gagné si le contrat n’avait pas été cassé (un expert a été désigné pour évaluer la somme exacte), ainsi que 61 973,38 euros comme remboursement du montant qui avait été payé pour acquérir la marque Belgian Lions, celle de l’équipe nationale masculine. Plus les intérêts, encore non calculés, qui pourraient s’étendre sur dix ans.

« Pour des raisons de discrétion »

L’information avait été publiée dans la presse le 17 mai. L’impossibilité pour la FRBB d’assumer cette condamnation n’avait, par contre, pas filtré.  » C’est un dossier catastrophique pour le basket « , reconnaîtra Jean-Pierre Delchef, président de l’AWBB (l’aile francophone de la fédération), lors d’une assemblée générale extraordinaire convoquée le 23 mai. Dont le procès-verbal n’avait pas été publié entièrement sur le site de l’asbl,  » pour des raisons de discrétion « , écrivait la secrétaire dans un e-mail. Mais qui s’est retrouvé dans la boîte aux lettres du Vif/L’Express.

Contacté, Jean-Pierre Delchef confirme que la FRBB n’a pas les caisses suffisamment remplies. Loin du compte, même. Selon son bilan annuel, ses fonds propres s’élevaient en 2015 à 60 844 euros, et ses dettes à 452 336 euros. Aucune somme n’avait été mise de côté au fil des ans pour assumer une éventuelle défaite judiciaire.  » On n’était pas pessimistes « , justifie-t-il.

La fédération a été contrainte de se placer en liquidation volontaire, le 23 mai, pour tenter de récupérer les montants qui peuvent l’être. Son bâtiment de l’avenue Paul-Henri Spaak, à Saint-Gilles, va être vendu. Mais la transaction ne permettra pas d’atteindre le million… L’AWBB devra être relogée (l’aile flamande, elle, a déménagé début d’année à Gand). Le lieu n’a pas encore été déterminé.

BMC ne lâche rien.  » Un adversaire coriace « , comme l’a qualifié Jean-Pierre Delchef lors de l’assemblée extraordinaire, qui compte, s’il le faut, réclamer son dû à l’AWBB et à l’aile flamande, la VBL. Et même aux administrateurs de ces trois asbl, passés et actuels. Des recommandés leur ont été envoyés (y compris à… la veuve de l’un d’eux), invoquant leur responsabilité individuelle. Encore faudrait-il prouver que des fautes personnelles ayant provoqué un dommage ont été commises. En attendant, la panique se propage.  » On tente de limiter la casse au niveau des administrateurs. C’est la première des préoccupations « , tenta de rassurer le président lors de l’AG. Dernier espoir : la Cour de cassation. Un avocat étudie la faisabilité d’un pourvoi. Mais celui-ci ne serait de toute façon pas suspensif. En clair, le fameux million devra quoi qu’il arrive être déboursé.

« En péril »

 » La continuité du basket belge est mise en péril « , reconnaissait Jean-Pierre Delchef lors de l’assemblée.  » Le liquidateur nous a donné l’autorisation temporaire et provisoire de poursuivre l’organisation de la saison prochaine « , nous précise-t-il. Ensuite,  » une solution plus définitive  » devra être trouvée. Moins pour les centaines de clubs locaux affiliés (plus de 270 en Wallonie et à Bruxelles), que pour les équipes nationales. Les Belgian Cats pourront-elles disputer le mondial 2018 en Espagne ? Une délégation belge sera-t-elle présente aux Jeux olympiques européens de 2019 ?

Pas des questions en l’air. La Fédération internationale de basket (Fiba) et le Comité olympique interfédéral belge (COIB) ne reconnaissent que les fédérations nationales. Les ailes flamande et francophone vont donc devoir recréer rapidement une structure supérieure. Reste à savoir avec quels fonds… Le ministre francophone des Sports, Rachid Madrane (PS), n’a été sollicité ni pour l’obtention d’un subside, ni pour une relocalisation des bureaux de l’AWBB. Le secrétaire général de la Fiba s’est rendu à Bruxelles, le 18 mai, pour entendre les représentants de la fédération. Il a accepté de  » fermer les yeux  » (dixit le PV de l’assemblée) jusqu’en décembre prochain.  » Nous sommes en possession de toutes les informations nécessaires […] et nous sommes actuellement en train d’évaluer la situation. A ce jour, aucune décision n’a encore été prise « , précise Simon Wilkinson, responsable communication de la Fiba. Le COIB dit ne pas être concerné, tant que la Fiba ne prend pas de mesure.

La Fédération royale belge de basket était née en 1933. Elle est morte en 2017. Parviendra-t-elle à renaître ?

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