Walter Pauli

« La discorde entre les syndicats de chemins de fer wallons et flamands est historique et inquiétante »

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

« Le conflit à la SNCB risque de briser la concertation sociale belge » écrit notre confrère de Knack Walter Pauli.

Cette semaine, les désaccords entre les syndicats de chemins de fer wallons et flamands sont apparus au grand jour. La discorde est historique et incontestablement inquiétante, car le conflit à la SNCB risque de briser la concertation sociale belge.

La discorde entre les syndicats de chemins de fer wallons et flamands est historique et incontestablement inquiétante

La façon dont on règle la question de la SNCB, est bien pire que la première vague de grèves contre le gouvernement Michel de l’automne dernier, y compris les destructions survenues près de la Gare du Midi à Bruxelles. Celles-ci tombaient encore sous la catégorie d' »incidents ». Les dirigeants syndicalistes ne sont pas l’origine de ces bagarres, mais malheureusement ils n’ont pas pu les empêcher.

Aujourd’hui, la SNCB ne possède pas de base syndicale extrémiste qui surprend sa propre direction. La décision de faire grève et de paralyser le réseau ferroviaire pendant cinq jours a été discutée avec les syndicats à tous les niveaux. Marc Goblet, le francophone le plus haut placé au sein de la FGTB, a qualifié la scission linguistique (à juste titre) d' »affaiblissement » du mouvement syndical. Cependant, la seule aile syndicale où il a quelque chose dire, la francophone, il ne l’a pas rappelé à l’ordre. Parce qu’il ne veut ou ne peut pas.

Pour beaucoup de Flamands, les syndicats des chemins de fer francophones cherchent davantage le conflit qu’un accord. Et aux yeux de beaucoup de francophones, les Flamands se montrent trop défaitistes. Les gardiens du modèle social belge n’ont jamais été aussi divisés sur le plan communautaire.

Depuis longtemps, certains parlementaires de la majorité de centre-droit, tels que Zuhal Demir et Annick De Ridder (toutes deux à la N-VA), dégagent l’impression de ne pas trop déplorer le besoin d’agir des syndicats (francophones). Ainsi, les grèves ouvrent la voie à une partie du programme de la N-VA pour lequel il n’existe pas (encore) de consensus, car plus les syndicats de chemins de fer se montrent « déraisonnables », plus le soutien à l’égard de mesures qui frappent les syndicats au coeur ou qui à tout le moins les limitent, se renforce.

La portée du conflit de la SNCB rappelle la lutte amère de 1984-1985 entre le premier ministre britannique conservateur Margaret Thatcher et le dirigeant syndical radical-socialiste Arthur Scargill. Dans ses mémoires intitulées « The Downing Street Years », Thatcher se montre particulièrement franche à propos de cette partie de bras de fer. Le chapitre consacré aux grèves est d’ailleurs la suite de « Disarming the Left », qui raconte comment en 1983 elle a infligé une seconde défaite électorale cuisante aux socialistes de Labour.

En Belgique, on assiste à un schéma semblable: depuis 2010, la gauche a été giflée par la N-VA à chaque scrutin. Depuis, animés uniquement par la frustration, certains milieux syndicaux mettent la légitimité des gouvernements dont fait partie la N-VA en cause. C’est pourquoi ils ne voient pas d’inconvénients à prendre les usagers du rail en otage pendant cinq jours : ces derniers sont les dommages collatéraux d’une lutte politique où l’on a pas l’intention de montrer beaucoup de clémence.

L’inverse est vrai aussi. À l’époque, Thatcher avait décidé qu’il valait la peine de non seulement combattre le syndicat, mais aussi d’en prendre l’initiative. On se battait avec acharnement.

Là aussi, on entend des échos au sein du gouvernement Michel. Quand les syndicats demandent un « médiateur », ils se heurtent à un refus du sommet du gouvernement. Le gouvernement Michel affirme ne pas vouloir parler « sous menace de guerre », même si le gouvernement sait aussi que sa réaction raide à la demande de désigner d’abord un « démineur » et puis un « médiateur » a contribué à la grève. Que le gouvernement soit prêt à payer ce prix, montre qu’un accord social ne constitue pas sa priorité.

L’exemple britannique nous apprend que tout le monde perd à un combat où les partis ont choisi le conflit plutôt que la concertation. Scargill a sacrifié tout le mouvement syndical britannique à une lutte perdue d’avance vu la façon dont il la menait. Et bien que Thatcher ai triomphé, elle a dû constater à son effarement que sa férocité légendaire avait fait vaciller sa position politique. Tout le monde a perdu au clash britannique, y compris le pays. Nos politiques et les dirigeants syndicaux souhaitent-ils vraiment emprunter la même voie avec la SNCB ?

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