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La crise catalane, une épreuve aussi pour le gouvernement belge

Le Vif

L’exil bruxellois de Carles Puigdemont met à l’épreuve la coalition au pouvoir en Belgique, dont la forte composante nationaliste flamande (N-VA) fait bruyamment entendre sa sympathie pro-catalane, au risque de gêner le chef du gouvernement Charles Michel, en plus de fâcher Madrid.

« Ne pas jeter d’huile sur le feu »: tel était le mot d’ordre du Premier ministre, lorsqu’au lendemain de la destitution du président catalan, un de ses ministres de l’Alliance néo-flamande (N-VA, nationaliste) a évoqué la possibilité d’offrir l’asile à M. Puigdemont en Belgique.

Dix jours plus tard, alors que certains ex-ministres catalans sont en prison en Espagne et que d’autres ont fui en Belgique pour y échapper, force est de constater que Charles Michel a du mal à se faire respecter, soulignent des analystes interrogés par l’AFP.

« Il y a un contraste saisissant entre les déclarations intempestives de la N-VA et ce silence radio du Premier ministre », résume le chercheur belge Paul Dermine, spécialisé en droit public.

Dimanche, le ministre (N-VA) de l’Intérieur Jan Jambon s’est publiquement interrogé « sur le fait qu’un Etat membre de l’Union européenne peut aller aussi loin » qu’incarcérer « les membres d’un gouvernement démocratiquement élu » et a déploré « le silence assourdissant » des principaux dirigeants de l’UE.

Le patron du parti nationaliste flamand Bart De Wever mais aussi un ex-Premier ministre socialiste, Elio Di Rupo, ont brandi le passé « franquiste » de l’Espagne.

‘Une épine dans le pied’

Le chef de la diplomatie belge Didier Reynders, un libéral francophone comme le Premier ministre, a dû rappeler que « c’est un dossier qui concerne avant tout l’Espagne », regrettant que des politiques belges s’en mêlent.

A l’évidence, la crise catalane est « une épine dans le pied » de Charles Michel, apparu en octobre « comme celui qui a isolé la Belgique dans le concert européen », relève Pascal Delwit, professeur de science politique à l’Université libre de Bruxelles (ULB).

Le 1er octobre, jour du référendum interdit en Catalogne marqué par des violences, le Premier ministre belge avait été un des rares dirigeants européens à les condamner, soucieux de ménager des partenaires flamands sensibles.

Aujourd’hui, les nationalistes de la N-VA se font beaucoup entendre sur le sujet.

Et la « gêne » occasionnée pour Charles Michel, autant que les frictions entre Bruxelles et Madrid, pourraient durer plusieurs mois, le temps que la justice belge se prononce sur le mandat d’arrêt européen visant Carles Puigdemont et quatre ex-conseillers.

« Si la justice prenait une décision allant à l’encontre de la demande espagnole, là on aurait une crise », prédit Emilie Van Haute, autre politologue de l’ULB.

Pour autant le « mariage de raison » entre les forces politiques au pouvoir depuis 2014 ne semble pas menacé, d’après les analystes, car personne — pas plus les nationalistes que les libéraux ou les démocrates-chrétiens flamands — n’aurait intérêt à faire chuter l’édifice à moins de deux ans des élections législatives.

‘Se faire hara-kiri’

L’électorat flamand ne comprendrait pas que la N-VA claque la porte, ce qui reviendrait à « se faire hara-kiri », selon Bruno Yammine, expert du mouvement flamand.

« Le noyau dur nationaliste en Flandre c’est 10-15% de la population, ça ne va pas devenir 40% maintenant à cause de la Catalogne », ajoute cet historien.

La N-VA prône, comme le stipule l’article premier de ses statuts, la création d' »une République indépendante de Flandre », dans le nord néerlandophone de la Belgique.

Mais le parti a mis cette revendication entre parenthèses depuis qu’il est associé au pouvoir.

Aux yeux de beaucoup, l’Alliance néo-flamande est désormais un parti conservateur classique, mettant en avant des thèmes populaires comme la sécurité et la lutte contre l’immigration illégale.

Pour Paul Dermine, « les Flamands n’expriment pas le besoin d’indépendantisme » et « ce qui se passe en Catalogne n’a aucune chance de se passer en Belgique ».

La N-VA veut « une Flandre forte qui domine l’Etat belge et c’est tout à fait le cas pour le moment », poursuit le chercheur, « ils ont les clés du camion, et c’est très bien de leur point de vue ».

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