La complexité du français nuit à son rayonnement

Arnaud Hoedt et Jérôme Piron proposent dans leur spectacle « La Convivialité » de simplifier l’accord du participe passé et le laisser toujours invariable. Une solution ? Remplis d’illogismes et de pièges, le français nécessite en tout cas une simplification s’il veut maintenir son rang de langue internationale.

Comme le rappelle Christophe Benzitoun, chercheur en sciences du langage à l’université de Lorraine dans une opinion , la complexité du français a très tôt servi de séparateur social et intellectuel : déjà en 1673, un membre de l’Académie française, écrivait : « [L’Académie] déclare qu’elle désire suivre l’ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes. »

François de Closets, lui-même dis-orthographique et qui en a beaucoup souffert, a détaillé dans un livre (« Zéro faute » – Fayard), comment les moines copistes se sont ingéniés à compliquer notre langue en ajoutant les doubles lettres sans raison valable. Une difficulté qui n’existe par exemple pas en Espagnol, pourtant elle aussi latin vulgaire, mais beaucoup plus simple et transparente qui a « choisi » la règle phonétique plutôt qu’étymologique. La relative simplicité de l’orthographe espagnole ne fait pas des hispanophones des idiots pour autant.

C’est ainsi qu’en français l’accent grave sur le u n’existe que dans « où ». Dans le mot « oiseau », aucune lettre ne se prononce comme elle s’écrit, bonhomme prend deux « m » mais bonhomie un seul. Charrette prend deux « r » et chariot un seul, imbécile mais imbécillité, crémerie prononcée crèmerie et ainsi de suite. « Mieux » s’écrivait « mieulx », seul le « l » a disparu. J et v sont apparus au 16e siècle (auparavant, on écrivait iuger et uiande pour juger et viande), de même que la cédille (on écrivait façon « faczon »). Le W est introduit en 1878 mais ne devient 23e lettre de l’alphabet qu’en 1964.

Des évolutions partiellement empiriques qui font qu’en français, les illogismes sont légion. Et on s’en repait. Autant de chausse-trappes pour les enfants d’ouvriers et les étrangers qui souhaitent apprendre notre langue.

L’accord du participe passé nécessite une centaine de pages d’explications dans le Grevisse. Les verbes pronominaux (elles se sont succédé mais elles se sont aimées) sont un casse-tête.

Sans oublier, dans l’Hexagone uniquement, la folie des soixante-dix-sept et autres quatre-vingt-dix-neuf (99), un cas unique dans la tour de Babel de l’hunamité. Imaginez les anglo-saxons dire : four-twenty-nineteen !

On prie, cher·e·s lecteur·rice·s déterminé·e·s, pour que l’écriture inclusive soi-disant féministe ne vienne pas ajouter la confusion pour nos écolier.e.s et nos étudiant.e.s.

Le pluriel en s ou x nécessite une semaine au moins d’apprentissage (viens sur mes genoux, hiboux pleins de poux). Combien de façon de prononcer le son « s » : s, ss, ç, c, sc, t… ? Les accents circonflexes introduits en 1532 ne servent quasi à rien sauf par exemple pour séparer la conjugaison de croire et de croître mais qui dans le contexte, sont inutiles. Qui peut imaginer en effet que dans « la petite fille croit au contes de fée », elle serait en train de croître ? Pas forcément utiles non plus quand ces accents distinguent le passé simple du subjonctif imparfait (eut, eût). Certains ne feraient qu’ajouter de la majesté (!) à grâce et suprême. L’esthétisme avant le pragmatisme ou comment lutter contre le nivellement par le bas ?

Les récentes réformes supprimant notamment les circonflexes sur « i » et « u » conservent pourtant celui sur les « o » comme hôtel pour rappeler la fameuse disparition du « s » de hostel ou hospital. Il y a bien longtemps que l’accent circonflexe de cime est tombé dans l’abîme… On se demande bien pourquoi.

Le retour béni du nénufar avec f ? Dès le 18e siècle, phlegmatique devenait flegmatique preuve de l’inanité de ces différentes variantes. Pourquoi pas supprimer le « ph » une bonne fois pour toute ?

Bref, trop timides, les réformettes ces dernières années ne sont pas obligatoires et n’ont débouché que sur deux orthographes parallèles. L’ambiguïté ou l’ambigüité (au choix) du français n’en est que plus grande. Un coup d’épée dans l’eau. L’orthographe française reste un tabou et sert à classer verticalement les CV des mauvais en orthographe. « La note de dictée, c’est le QI à la française ! », confirme de Closets. Il fut un temps où l’orthographe était libre et les plus illustres penseurs faisaient des « fôtes » d’orthographe à leur guise. Le français ne sera coulé dans le marbre que des siècles plus tard, juste avant le lent déclin de notre langue.

Comme le disait un Hollandais vivant en Belgique devant moi dans l’avion des vacances, expliquant à une Américaine la difficulté de communiquer en Wallonie: « Les Wallons ne parlent ni anglais ni néerlandais et le français n’a quasi que des verbes irréguliers. C’est une langue de dingue et je vous défie de l’apprendre. »

Même si l’anglais non plus n’est pas toujours logique, il est clair que l’inutile complexité du français nuit à son rayonnement international.

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