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La « communauté métropolitaine », une menace pour Bruxelles ?

La communauté urbaine prend forme. Elle devrait rapprocher Bruxelles de son hinterland brabançon. Un « bidule institutionnel » de plus ?

Dans le cadre de notre dossier sur « Bruxelles métropole », venez poser vos questions à Charles Picqué (PS), Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, ce lundi 20 février entre midi et 13 heures. Vous pouvez d’ores et déjà envoyer vos messages à l’adresse courriel newsroom@roularta.be.

Attention, sujet politiquement touchy ! Si les négociateurs de la 6ème réforme de l’Etat ont bien prévu, dans l’ « accord papillon » de décembre 2011, la création, par une loi spéciale, d’une « communauté métropolitaine », peu de détails ont filtré, depuis lors, sur cette structure appelée à rapprocher Bruxelles des communes de son « hinterland » socio-économique. Les discussions entrent néanmoins dans le vif du sujet. Les séances de travail du comité de pilotage de la réforme institutionnelle se multiplient. Le gouvernement Di Rupo s’est fixé comme objectif de faire voter un premier volet de réformes avant les vacances parlementaires. « La communauté métropolitaine fait partie des dossiers qui doivent être votés avant l’été. Elle figure donc dans le plan de travail actuel du comité de pilotage », nous précise le cabinet de Melchior Wathelet (cdH), secrétaire d’État aux réformes institutionnelles.

Bruxelles étouffe dans ses frontières

La création d’une communauté urbaine vise à répondre à une évidence : la Région-Capitale étouffe dans ses limites administratives. De nombreuses études ont démontré que l’espace urbain bruxellois a une cohérence géographique, humaine et économique qui dépasse largement les dix-neuf communes. Or, le gouvernement flamand rejette toute idée de révision des limites territoriales de la Région bruxelloise. Faute d’élargissement, le concept d’organisation métropolitaine a fait son chemin. Il devrait permettre de désenclaver la capitale, pour lui donner peut-être un jour le statut de grande métropole européenne.

A quoi ressemblera la future entité ? Les discussions sont toujours en cours, mais les confidences de certains négociateurs permettent déjà de se faire une petite idée de ce que sera cette communauté urbaine, qui englobera des communes et des villes comme Tubize, Nivelles, Jodoigne ou Biévène. « A ce stade, on s’oriente vers une structure technique, similaire à celle d’une grosse intercommunale, confie l’un d’eux. Elle sera gérée par les trois Régions et, accessoirement, par le fédéral. Cette plateforme de coopération interrégionale aura pour territoire la totalité de l’ancien Brabant, arrondissement de Louvain compris. Ne pas inclure cet arrondissement, ce serait exclure de l’hinterland bruxellois une commune comme Tervuren, située aux portes de la capitale. »

Le projet couvre, au total, 111 communes, soit 2,5 millions d’habitants. Mais les organes et le budget dont la nouvelle structure serait dotée doivent encore être précisés. En revanche, il est acquis qu’elle exercera des compétences de type régional et, selon la formulation de l’accord institutionnel, « d’importance transrégionale. » Les domaines envisagés – aménagement du territoire, travaux publics, mobilité, voire emploi – sont actuellement gérés aux niveaux fédéral, régional et communal. Pour autant, seule la mobilité est, jusqu’ici, mise en avant. Il est question faciliter le dialogue sur « la sécurité routière et les travaux routiers de, vers et autour de Bruxelles ». Les aménagements prévus pour le ring sont concernés et devraient faire l’objet d’une concertation préalable.

Une institution politique de plus ?

En périphérie flamande comme à Bruxelles, beaucoup d’élus se montrent sceptiques à l’égard du projet, encore flou, de communauté métropolitaine. L’argument qui revient le plus souvent est la crainte de voir se superposer, dans un souci de coordination, un niveau de pouvoir supplémentaire. Autre inquiétude, exprimée par le FDF : la communauté métropolitaine servirait de « cheval de Troie » aux partisans d’une cogestion bicommunautaire de Bruxelles. Pour le patron du FDF, Olivier Maingain, la communauté métropolitaine est un « leurre », un « nouveau bidule institutionnel » créé « à la seule satisfaction de mandataires politiques qui y trouveraient quelques avantages personnels ». Le ministre-président flamand Kris Peeters (CD&V), lui, martèle qu’il n’est « pas question, en cas de coopération dans le cadre d’une communauté d’intérêts, de toucher aux frontières et aux compétences propres des pouvoirs concernés. »

C’est Guy Verhofstadt, l’ex-Premier ministre Open-VLD, qui a fait entrer le projet métropolitain dans la sphère politique. En janvier 2008, il prône, dans sa note au Roi, le développement d’une « véritable Région urbaine bruxelloise ». Le gouvernement bruxellois est interpelé. A la tête d’une Région qu’il décrit volontiers comme « sous-financée » et « étriquée dans ses frontières », Charles Picqué marque son intérêt pour le concept. Il est néanmoins conscient que cette communauté ressemble fort à un contre-feu allumé par les Flamands, qui ne veulent plus entendre parler de l’élargissement de Bruxelles.

Le souci principal des décideurs politiques et économiques flamands et wallons serait en fait de faciliter autant que possible les déplacements des quelque 450 000 navetteurs qui entrent chaque jour de semaine sur le territoire bruxellois (80 % en voiture, 20 % en transports en commun). « Voilà pourquoi, dans le projet actuel de communauté urbaine, l’accent est mis sur la mobilité », estime Isabelle Pauthier, directrice de l’Arau, l’Atelier de recherches et d’action urbaines.

Qui siègera dans la nouvelle structure ?

Reste à voir qui siégera au sein de la nouvelle entité. Sur ce point, le modèle de communauté urbaine proposé par la Flandre et la Wallonie ne tarde pas à inquiéter Picqué. Car le rapport de force pourrait y être défavorable à la capitale : « Si cette communauté est plus qu’un groupe de réflexion, il faut que Bruxelles y ait un poids décisif, sous peine de se voir imposer des politiques par les deux autres Régions », assure le ministre-président. Les Régions flamande et wallonne tiendront-elles les leviers de commande de la communauté métropolitaine ? Si c’est le cas, le concept apparaît politiquement dangereux pour la Région-Capitale (lire le dossier du Vif/L’Express du 17 février 2012).

Olivier Rogeau

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