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La Belgique, voie de passage de migrants ciblée par les réseaux de trafiquants

Le Vif

La Belgique, par où a transité le conteneur frigorifique où 39 personnes ont trouvé la mort, est une voie de passage très empruntée par les migrants et les réseaux de trafiquants qui cherchent à tirer profit de la proximité du Royaume-Uni.

Dès l’annonce mercredi de la découverte des 39 corps dans une zone industrielle à l’est de Londres, le parquet fédéral belge a annoncé l’ouverture d’une enquête, parallèlement aux investigations britanniques. Mais si le conteneur a bien quitté le port de Zeebrugge mardi après-midi, rien ne prouve « pour le moment », selon le parquet, que les victimes sont montées à bord en Belgique. Le trajet emprunté par le conteneur démontre en tout cas que la Belgique, par sa situation géographique à une centaine de kilomètres des côtes anglaises, est un axe privilégié pour rejoindre le Royaume-Uni. Il y a actuellement sur le sol belge entre 800 et 1.000 migrants en quête d’une solution pour franchir la Manche via Zeebrugge ou les ports français proches de la frontière. Un chiffre globalement inchangé depuis trois ans, quand la Belgique a ressenti les conséquences du démantèlement d’un gigantesque camp de fortune ayant accueilli plus de 8.000 personnes à Calais, dans le nord de la France.

Les migrants, et dans leur sillage les passeurs, se sont alors en partie repliés en Belgique. « Il y a un triangle Paris-Bruxelles-Calais dans lequel se déplacent les migrants », souligne Mehdi Kassou, porte-parole de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés. « S’il y a une évacuation de camp en France, comme récemment à Grande-Synthe, dans les jours suivants on a 70 ou 80 personnes qui rejoignent Bruxelles ou Paris pour trouver de l’aide », explique-t-il. « Ce sont les opérations de police qui déterminent aujourd’hui les routes migratoires », abonde François Gemenne, chercheur en Sciences politiques à l’Université de Liège. En Belgique, la surveillance policière a été renforcée sur les parkings autoroutiers où stationnent les poids lourds en route vers le Royaume-Uni, dans lesquels les migrants essaient de se cacher de nuit. Cela a conduit les passeurs à adapter leurs méthodes.

Faut-il plus de moyens pour lutter contre les trafiquants d’êtres humains? Pour les experts interrogés par l’AFP, la rapidité avec laquelle les politiques incriminent ces derniers lorsqu’un drame survient cache leur incapacité à parvenir à « des solutions durables » pour un problème structurel. Un projet de réforme du droit d’asile à l’échelle européenne est actuellement dans l’impasse. Et le règlement de Dublin, rappellent-ils, continue de confier le traitement des demandes d’asile au premier pays d’entrée, soit essentiellement à la Grèce et à l’Italie qui sont « étranglées ». « On est englués dans une situation qui conduit inéluctablement les gens à la mort ou entre les mains de trafiquants qui eux-mêmes les conduiront à la mort », estime M. Kassou.

« Tant que l’Angleterre restera une destination attractive pour eux, ce qui est le cas depuis assez longtemps et qui va le rester sans doute même après le Brexit, on aura des migrants qui voudront absolument franchir cette frontière », affirme M. Gemenne. Cet expert suggère de s’entendre avec Londres pour permettre « peut-être un quota (de migrants) annuel, en tout cas des voies sûres et légales » de passage. Car « les passeurs se contrefichent éperdument du sort des migrants », fustige-t-il. « La caractéristique sordide de ce trafic, c’est que si vous perdez la marchandise, personne ne vous la réclame. »

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