Mugemangango © Belga

La Belgique, un pays où ce sont les élus qui contrôlent les élections

Le Vif

En Belgique, ce sont les parlements nouvellement élus qui examinent si les élections se sont déroulées sans irrégularités. C’est un peu comme si l’on demandait aux élèves de juger leur examen. Il y a un risque réel que l’exercice ne soit pas impartial. De quoi se faire taper sur les doigts par l’Europe.

La Belgique est l’un des derniers pays européens, avec les Pays-Bas, l’Italie et le Danemark, qui ne disposent pas d’un organe impartial qui juge du bon déroulement des élections et qui tranche en cas de litiges ou de plaintes pour d’éventuelles irrégularités. En Belgique cela est laissé aux parlements nouvellement élus. En effet, « chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s’élèvent à ce sujet », conformément à l’article 48 de la Constitution. Ou pour le tourner autrement : les élus jugent donc de leur propre élection.

Une façon de procéder qui ne brille donc pas par son impartialité et qui risque de mener à une condamnation européenne de la Belgique. La Suisse, la Norvège et le Luxembourg ont récemment modifié leur législation et la Belgique risque fort de devoir faire de même modifiant.

Le couperet pourrait même tomber dès ce 4 décembre, date à laquelle la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le plus haut organe de surveillance des droits de l’homme sur le continent, entendra l’affaire du politicien francophone du PVDA/PTB Germain Mugemangango.

M. Mugemangango, tête de liste PTB à Charleroi lors des élections régionales du 25 mai 2014 – il n’avait pas été élu, mais l’a été le 26 mai dernier et est devenu chef de groupe PTB au parlement wallon – a porté plainte auprès de la CEDH « en raison de la manière partiale et malhonnête dont a été traitée sa contestation du comptage des résultats des élections », a précisé le PTB dans un communiqué. M. Mugemangango n’avait, en 2014, pas été élu à 14 voix près, alors que, dans son district électoral, plus de 22.000 votes blancs et nuls et plusieurs irrégularités ont été constatés.

Il a donc déposé une contestation écrite devant le parlement wallon pour demander un recomptage de ces bulletins de vote. En première instance, une commission composée par le Parlement lui-même lui a donné raison et a recommandé de recompter les bulletins. Toutefois, le lendemain, le Parlement en séance plénière a rejeté cette recommandation par vote. « En conséquence, il n’y a pas eu de recomptage des bulletins sujets à caution et Germain Mugemangango a perdu toute possibilité d’être élu. S’il y avait eu un recomptage, il est fort possible qu’il ait siégé au Parlement wallon pendant les cinq années de la dernière législature », souligne le PTB. « La tête de liste PTB à Charleroi a été victime de l’absence de procédure juste et honnête », estime le parti de gauche radicale.

Comme la Roumanie

« Aujourd’hui, il est fort probable que la Cour condamne notre pays puisqu’elle a reçu un avis dans ce sens de la Commission de Venise, un organe consultatif du Conseil de l’Europe spécialisé dans de telles affaires », ajoute le Parti du Travail de Belgique. On notera, qu’exceptionnellement, l’affaire a été renvoyée à la Grande Chambre de la Cour. Cela se produit lorsque l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention ou s’il y a un risque de contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour et qui risque donc d’être marquant.

La Belgique ne serait pas le premier pays à qui cela arrive. En 2010, la Cour a ainsi déjà condamné la Roumanie dans une affaire similaire parce que la loi électorale ne prévoyait pas de recours impartial.

Si la Belgique est condamnée, la Constitution devra donc bel et bien être modifiée. Mais pas tout de suite cependant puisqu’on devra attendre les prochaines élections, l’article 48 n’ayant pas été déclaré sujet à révision.

Mugemangango n’est pas le premier à soulever ce problème puisque d’autres politiciens belges non élus ont entamé des procédures identiques devant la Cour. De nombreux avocats se sont également déjà prononcés contre le système belge dit encore De Standaard. « Je pense que la Belgique a un problème « , dit Koen Lemmens, professeur en droits de l’homme (KU Leuven). Notre système est en contradiction avec l’évolution générale. C’est comme demander aux étudiants d’améliorer leurs propres examens. » Pour les spécialistes, une alternative pourrait être de passer par la Cour constitutionnelle, ou le Conseil d’État, voire un nouvel organe.

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