Englebert Van Anderlecht, Jean Dypréau. Traduire la lumière, 1959. C Sabam Belgium MRBA Bruxelles. Photo J Geleyns/Roscan. © DR

L’oeuvre de la semaine: peinture à quatre mains

En 1959, il ne reste que peu de temps à vivre à Englebert Van Anderlecht. Son oeuvre déborde pourtant de cette vitalité presque outrageante qui pose, jette, étend, écrase et fouette sur la toile, des signes qui sont autant de sismographes de ses émotions.

On le dit lié à l’expressionnisme abstrait. C’est vrai. Il en a l’audace et la manière. Mais comment savoir ce qui se trouve au coeur de ses propos. « Nous ne regardons pas les cimaises, écrit un peu plus tard, un de ses amis, le critique Jean Dypréau. Nous nous regardons nous défendre contre elles ».

Sauf que lui, il veut affronter le tableau, entrer en empathie avec lui (et donc avec son auteur et bientôt ami). Ne pourrait-il dessiner les mots plutôt que de les soumettre comme il le fait d’habitude, à la typographie conforme des machines. Oserait il les inscrire dans la couleur elle-même, les poser physiquement sur la toile selon une procédure qui relèverait d’une sorte de duo peintre-écrivain tel que les musiciens de jazz peuvent le faire quand ils arrivent à se rejoindre, l’un avec le piano, l’autre avec la trompette.

Voilà comment est née cette peinture. Van Anderlecht trace un premier signe sombre, puis en un geste ample, pose une surface de bleu plus pâle sur le fond de blancheur. D’autres graphes, d’autres gestes suivent. Dypréau écoute son ami autant qu’il le regarde faire. A ses côtés, il ressent la violence, la révolte, le besoin et l’urgence de vivre du peintre. Demain, il sera peut-être trop tard. L’essentiel s’incarnerait-il là, devant ses yeux ? Alors, le poète Dypréau entre en scène, prend le pinceau et d’une main qui veut insuffler au poids des mots, toute leur densité, inscrit ce qui deviendra le titre du tableau: « traduire la lumière ».

L’exposition d’hommage au grand critique d’art des années 1950-1980 rassemble un ensemble d’oeuvres d’artistes parfois fort différents.

Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts. 3, Rue de la Régence. Du 2 septembre au 25 janvier. Ma-Di 10-17h. www.fine-arts-museum.be

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire